Véronique Ovaldé - Des vies d'oiseauxRésumé :

C’est lorsque Gustavo Izarra appelle la police pour expliquer qu’il a été cambriolé mais que rien n’a été volé que le lieutenant Taïbo fait la connaissance de Madame Gustavo Izarra. En menant l’enquête sur le mystérieux couple de “coucous” qui s’installent dans les maisons lorsque leurs occupants sont partis en vacances, Taïbo va faire la connaissance de Vida, perdue dans une vie de couple dont elle ne saisit plus vraiment le sens. En partant à la recherche de Paloma, c’est elle-même que Vida va finir par découvrir.

Extrait :

Mon coeur en sautoir

Se souvenir toujours de son petit corps, de sa grâce, de la texture de sa peau, de son haleine, de son odeur, de sa voix, emmêlées l’une dans l’autre, la moiteur de son coup, la finesse de ses bras, le délié parfait de chacun de ses muscles minuscules et sublimes, comment graver ses gestes dans le souvenir, comment être sûre de ne jamais rien oublier de tout cela, de pouvoir s’en servir et le réactiver quand elle serait seule et vieille, puiser dans son trésor de souvenirs et d’images, la peau bronzée de Paloma, son grain un peu sec et salé, la connaissance que Vida en avait, qui semblait être quelque chose de tangible et d’éternel, mais cette connaissance même n’existait que le temps que la chose connue existât, ses cheveux désordonnés et longs qui lui donnaient l’allure d’une sauvageonne, sa blondeur iodée d’enfant, la pulpe de ses lèvres, l’immensité de ses yeux (qui paraissaient à une autre échelle que les autres éléments de son visage), l’arc de ses sourcils noirs et fatals (des sourcils de femme). Vida voulait prendre la totalité de ces fragments parfaits et en faire un trésor réellement inaltérable. Et quand elles étaient ensemble elle savait que c’était impossible et cette impossibilité la plongeait dans un désespoir infini. Elle avait l’impression que sa beauté, sa tendre enfance lui échappaient déjà. Qu’elles s’en allaient en particules dans l’air, comme des filaments de sa perfection. Elle se disait “il faut que je la photographie, que je l’enregistre”, mais toutes ces opérations étaient vaines et elle échouait à conserver la douceur éphémère de cette fusion de leurs deux corps allongés dans une chambre estivale, l’une à côté de l’autre,  les bras de la petite autour de son cou et les lèvres de la petite sur ses paupières. Elle savait ce qui la faisait rire alors elle la faisait rire et ce rire d’enfant, ce rire qui s’en allait déjà à toute vitesse, lui piétinait le cœur.

Avis :

Mon rythme de lecture s’est considérablement ralenti depuis la rentrée et pourtant cette lenteur m’a semblé en parfaite osmose avec le roman de Véronique Ovaldé. Si j’avais trouvé Vera Candida plus fantaisiste, j’ai apprécié la douce mélancolie de celui-ci et sa profondeur mâtinée de légèreté. La plume de Véronique Ovaldé est de plus en plus maîtrisée : c’est la première fois que je ne reste pas sur ma faim (contrairement à ses deux précédents romans). Les personnages m’ont touchée car avec cette façon unique qu’elle a de raconter les histoires, l’auteure nous parle de choses universelles et réussit à nimber de poésie la réalité la plus sordide. J’ai aimé me promener dans l’univers parallèle créé par Véronique Ovaldé, dont elle parle d’ailleurs merveilleusement bien (regarder La grande librairie à partir de 21’45). J’ai aimé le désarroi touchant de Vida et de Paloma, la beauté du sentiment complexe qui les unit et les séduisantes figures masculines de Taïbo et d’Adolfo. Je suis longtemps restée sous le charme de cette fable lumineuse.

Note :

Véronique Ovaldé (1972) – Française
236 pages – 2011 – ISBN : 978-2-87929-827-6