Joyce Carol Oates – Fille noire, fille blanche
Résumé :
A 18 ans, Genna Meade semble tout avoir pour être heureuse : elle est la descendante du fondateur du collège dans lequel elle fait ses études et son père est un brillant avocat, un homme mystérieux mais qui la fascine. Genna se prend d’une amitié curieuse pour sa camarade de chambre, Minette Swift, fille d’un pasteur noir Américain qui ne montre pourtant qu’indifférence à l’égard de Genna. En ce début des 70′s, le racisme semble être la bête noire d’une Amérique qui fait tout pour l’éradiquer. Minette semble pourtant en être encore la victime.
Extrait :
J’ai décidé de commencer un texte sans titre. Ce sera une exploration, je pense. Une enquête sur la mort de Minette Swift, ma camarade de chambre à l’université, disparue il y a quinze ans cette semaine, à la veille de son dix-neuvième anniversaire, le 11 avril 1975. Minette n’a pas eu une mort naturelle, et elle n’a pas eu une mort facile. Chaque jour de ma vie, depuis sa mort, j’ai pensé à Minette et au supplice de ses dernières minutes, car j’étais celle qui aurait pu la sauver, et je ne l’ai pas fait. Et personne ne l’a jamais su.
Avis :
Ce livre offre une expérience de lecture tout à fait fascinante. Il nous donne à voir les deux héroïnes par petites touches: ainsi, nous prenons connaissance du passé de Genna progressivement tandis que Minette n’est perçue qu’à travers les yeux de Genna, et par conséquent sous un éclairage incomplet. Mais surtout, il se produit un décentrement de l’intrigue qui donne à reconsidérer chacun des éléments qui nous est divulgué par le récit, de telle sorte qu’on arrive à la fin du livre avec un tas de pensées contradictoires. On pressent l’influence de tas d’éléments qui nous font prendre conscience de la complexité des êtres, comme si l’accès à la vérité était condamné à rester partiel. Le roman nous rappelle qu’il est aussi imparfait que le réel et que l’approche qu’il en propose reste problématique. Ce qui n’empêche pas le lecteur de faire son travail d’enquête et d’effectuer ses propres suppositions. Merci à Leiloona pour cette très chouette découverte, je vous conseille d’ailleurs vivement son article qui, si vous êtes comme moi, vous donnera envie de courir acheter le livre (et au passage, merci maman pour le livre !). Amanda Meyre revient plus en détail sur le contexte du livre. Valeriane n’a pas été complètement emballée et Midola a aimé mais a été quelque peu déconcertée par l’épilogue, ce sur quoi je la rejoins assez, tout comme je partage son sentiment qu’une deuxième lecture serait sans doute nécessaire. Un livre à lire et à relire donc !
Note :
Joyce Carol Oates (1938) – Américaine
378 pages – 2009 – ISBN : 978-2-84876-149-7
décembre 7th, 2009 à 23:56
Merci pour le lien
Malgré certains passages, j’ai été prise dans l’histoire (le fait que Minette pouvait me sortir par les yeux parfois, me revient comme si c’était hier)
décembre 8th, 2009 à 10:08
je suis d’accord : ce livre mérite d’être relu plusieurs fois
décembre 8th, 2009 à 11:39
Oui, le relire permettrait de mettre l’accent sur des éléments qui prendront de l’importance par la suite : je suis pratiquement certaine que nous avons des indices au début du livre.
Sinon, même si la fin m’a déroutée, elle est aussi très intéressante et offre un nouvel éclairage sur la finalité de ce livre.
décembre 8th, 2009 à 15:16
J’ai découvert cette auteure avec Nous étions les Mulvaney, et maintenant je ne sais plus par quel titre continuer tant il y a l’embarras du choix ! Celui-ci sera donc peut-être ma prochaine lecture de Joyce Carol Oates.
décembre 8th, 2009 à 15:23
Valeriane : c’est vrai que Minette est plutôt antipathique (ce qui rend Genna un peu ridicule de s’accrocher autant), mais j’ai trouvé leur relation assez fascinante, car comme on n’a jamais accès aux pensées de Minette, elle reste mystérieuse tout en éclairant quand même indirectement la personnalité de Genna.
Amanda : c’est vrai qu’avec la façon dont les élément se mettent en place, on s’en voudrait presque arrivé à la fin de ne pas avoir fait suffisamment attention à tout ; c’est un procédé qui a son succès au cinéma mais que je n’avais pas encore expérimenté à ce point dans un livre.
Leiloona : oui, je suis sûre aussi qu’il y a des indices disséminés un peu partout. Et pour la fin, elle m’a pas mal désorientée sur le coup mais j’y repense pas mal et la portée qu’elle donne au livre le rend tout à fait passionnant en ce qui concerne le traitement du personnage de Genna.
Marie : Ce livre était le premier de cette auteur pour moi et je te le conseille car même s’il constitue une expérience de lecture déroutante, il en vaut la peine.
décembre 8th, 2009 à 15:42
Après la petite déception des Mulvaney, sans doute l’occasion de reprendre goût à cet auteur…
décembre 8th, 2009 à 20:35
Leiloona est très souvent de bon conseil ! J’ai noté ce livre moi aussi car à ma grande honte, je n’ai jamais lu JCO alors que je suis convaincue que ses livres me plairaient. Le monde est plein de contradictions…
décembre 9th, 2009 à 10:30
Un auteur que j’ai aimé découvrir et le thème m’intéresse donc je le lirai aussi.
décembre 9th, 2009 à 18:34
J’hésite toujours un peu à lire Joyce Caroll Oates, car autant j’ai bien aimé certains romans, autant d’autres m’ont franchement déçus.
décembre 9th, 2009 à 18:37
ALex : c’est effectivement l’impression que j’ai au vu des critiques contrastées que j’ai eu l’occasion de lire sur elle. Mais la seule façon de savoir, c’est d’essayer^^.
mars 25th, 2010 à 17:12
Minette peut être exécrable, mais elle est avant tout le fruit d’un système. Ce que Geena a bien compris. L’attitude maternaliste de Geena se comprend également dans ce contexte très particulier d’une Amérique raciale. L’intelligence Joyce Carol Oates a été de prendre le risque de ne pas faire de Minette un personnage angélique, mais plutôt retors et manipulatrice pour mieux se protéger de ses difficultés de s’intégrer dans un milieu qui n’est pas le sien.
Mais le plus intéressant dans tout cela reste la relation entre Geena et son père. Car toute l’attitude de cette jeune est dictée par la fascination ou la haine qu’elle voue à son père.