Résumé :

Nancy Huston met en évidence la spécificité de l’espèce humaine par rapport aux animaux : nous seuls avons conscience d’être mortels, nous seuls cherchons par conséquent à trouver un sens à notre existence, un sens que nous créons en nous racontant des histoires. Ces fictions bonnes ou mauvaises engendrent la haine ou l’amour, selon qu’elles sont utilisées à bon ou à mauvais escient.

Extraits :

Sous mille formes, sur notre lieu de travail, dans les rues de nos villes, sur l’écran de nos téléviseurs et de nos ordinateurs, l’on nous raconte des histoires prétendument “vraies” et l’on nous demande de nous sentir par elles concernés, bouleversés, personnellement impliqués.
Propagande, désinformation. Par l’émotion que suscitent ces fables simples et édifiantes, l’on nous convainc facilement d’acheter tel produit, de voter pour tel candidat, de s’identifier à telle entreprise, de soutenir telle cause…

————————————–

Drogues, religion, politique, amour… Innombrables, en vérité, sont les “opiums” susceptibles de structurer de façon harmonieuse et convaincante notre réalité intérieure… nous aidant, par là, à croire en nous-mêmes, à agir dans le monde, à y supporter et à y déployer notre existence.

————————————–

A la faveur de la lecture, et de l’identification qu’elle permet aux personnages d’époque, de milieux, de cultures autres, l’on parvient à prendre du recul par rapport à son identité reçue. Partant, l’on devient plus à même de déchiffrer d’autres cultures, et de s’identifier aux personnes les composant.
Les fictions volontaires (histoires) d’un peuple donnent mieux que leurs fictions involontaires (Histoire), accès à la réalité de ce peuple.
Comme le terrorisme n’est ni plus ni moins que le résultat de mauvaises fictions, ce que nos gouvernements devraient faire, au lieu de fabriquer toujours plus d’armements, c’est, dans les pays où il sévit, favoriser l’éducation, et promouvoir par tous les moyens possibles la traduction, la publication et la distribution des chefs d’œuvre de la littérature mondiale.
Rien ne pourrait être plus important, ni plus utile.
Plus on se croit réaliste, plus on ignore ou rejette la littérature comme un luxe auquel on n’a pas droit, ou comme une distraction pour laquelle on est trop occupé, plus on est susceptible de glisser vers l’Arché-texte, c’est-à-dire dans la véhémence, la violence, la criminalité, l’oppression de ses proches, des femmes, des faibles, voire de tout un peuple.

Avis :

Un livre qui m’a laissé un bon moment indécise mais que j’ai finalement quitté sur une bonne impression. Disons que Nancy Huston nous assène pendant un bon moment ses vérités de manière assez dogmatique, si bien que même si elle a raison, elle est un peu horripilante. Il est regrettable qu’elle ne cite pas assez précisément ses sources (à part une bibliographie à la fin, mais bon, sans références précises on ne va pas bien loin). Néanmoins, elle a le mérite de mettre en lumière de manière simple et efficace des idées percutantes, des évidences parfois, mais qu’il est bon de rappeler. Dans l’ensemble, son propos est très pertinent et permet de repenser toute notre façon de percevoir la réalité. C’est aussi un livre très accessible, ce qui, vu la densité du propos, est une qualité très appréciable. A lire donc, ne serait-ce que pour la réflexion que cela fait naître dans la tête. Et si comme moi vous êtes convaincus des bienfaits de la lecture des romans, vous avez des chances de trouver votre bonheur. Un peu en aparté, je profite d’aborder ce thème pour vous conseiller la lecture ô combien édifiante de l’article de Pierre Assouline : Dehors, la culture générale !
P.S. (qui est en fait une info people) : j’ai appris en lisant ce livre que Nancy Huston était l’épouse de Tzvetan Todorov dont j’avais présenté un livre il y a quelques temps.

Note :

Nancy Huston (1953) – Canadienne
192 pages – 2008 – ISBN : 978-2-7427-7540-8