Résumé :

Lors d’une traversée en paquebot, Czentovic, champion mondial d’échecs, se retrouve confronté à un homme qui fait preuve d’un talent remarquable pour ce jeu. C’est l’histoire de ce mystérieux inconnu qui nous est relatée dans le récit.

Extrait :

Je n’entendais jamais une voix humaine. Jour et nuit, les yeux, les oreilles, tous les sens ne trouvaient pas le moindre aliment, on restait seul, désespérément seul en face de soi-même, avec son corps et quatre ou cinq objets muets : la table, le lit, la fenêtre, la cuvette. On vivait comme le plongeur sous sa cloche de verre, dans ce noir océan de slence, mais un plongeur qui pressent déjà que la corde qui le reliait au monde s’est rompue et qu’on ne le remontera jamais de ces profondeurs muettes. On n’avait rien à faire, rien à entendre, rien à voir, autour de soi régnait le nénant vertigineux, un vide sans dimensions dans l’espace et dans le temps. On allait et venait dans sa chambre, avec des pensées qui vous trottaient et vous venaient dans la tête, sans trêve, suivant le même mouvement. Mais, si dépourvues de matière qu’elles paraissent, les pensées aussi ont besoin d’un point d’appui, faute de quoi elles se mettent à tourner sur elles-mêmes dnas une ronde folle. Elles ne supportent pas le néant, elles non plus. On attendait quelque chose du matin au soir, mais il n’arrivait rien. On attendait, recommençait à attendre. Il n’arrivait rien. A attendre, attendre et attendre, les pensées tournaient, tournaient dans votre tête, jusqu’à ce que les tempes vous fassent mal. Il n’arrivait toujours rien. On restait seul. Seul. Seul.

Avis :

Un livre sympathique, tant par sa brièveté que par son contenu. La mystérieuse énigme autour des échecs éveille l’intérêt ; puis la plongée dans l’abîme de solitude expérimentée par le protagoniste rend compte avec précision de la proximité de la folie. L’histoire est prenante et se lit bien mais elle a à mes yeux un goût de déjà vu. Peut-être aussi que les personnages manquent un peu d’étoffe, sans doute est-ce volontaire de la part de l’auteur afin de leur laisser une aura de mystère, mais à mes yeux, c’est un peu gênant car ça n’aide pas à rentrer complètement dans l’histoire.
A noter aussi que cette nouvelle est le dernier écrit de Zweig qui se donna la mort en 1942.

Note :

Stefan Zweig (1881-1942) – Autrichien
95 pages – 1941 – ISBN : 978-2-253-05784-0