Résumé :

Hamm est assis sur un fauteuil roulant trônant au milieu de la pièce. Il règne sur un royaume dérisoire  composé de son unique serviteur Clov qui est peut-être aussi son fils et de deux vieillards : Nagg et Nell. A l’avant-scène, sur la gauche, deux poubelles dans lesquels se trouvent Nagg et Nell qui sont aussi les parents de Hamm, qu’on ne voit pas la plupart du temps mais qui sortent par moments la tête pour intervenir.

Extrait :

NAGG – C’est normal. Après tout je suis ton père. Il est vrai que si ce n’avait pas été moi ç’aurait été un autre. Mais ce n’est pas une excuse. (Un temps.) [...] Qui appelais-tu, quand tu étais tout petit et avais peur, dans la nuit ? Ta mère ? Non. Moi. On te laissait crier. Puis on t’éloigna, pour pouvoir dormir. (Un temps.) Je dormais, j’étais comme un roi, et tu m’as fait réveiller pour que je t’écoute. D’ailleurs je ne t’ai pas écouté. (Un temps.) J’espère que le jour viendra où tu auras vraiment besoin que je t’écoute, et besoin d’entendre ma voix, une voix. (Un temps.) Oui, j’espère que je vivrai jusque-là, pour t’entendre m’appeler comme lorsque tu étais tout petit, et avais peur, dans la nuit, et que j’étais ton seul espoir.

Avis :

Beckett est à mes yeux un auteur tout à fait fascinant, de ceux que j’admire car ils savent construire à partir de choses qui nous sont à première vue étrangères, un univers qui se révèle pourtant plus familier qu’il n’y paraît. Comme dans En attendant Godot ou Oh les beaux jours, Beckett nous donne ici à voir une humanité dégradée,  abandonnée à elle-même mais encore riche (de façon assez dérisoire) des souvenirs d’un passé lointain qui reviennent par bribes à la mémoire des protagonistes, comme s’ils évoquaient un paradis perdu. Dans Fin de partie, c’est plus particulièrement aux liens de filiation que s’attaque Beckett. On apprécie sa façon de jouer sur les ambiguïtés de la langue, ce qui rend son propos extrêmement ambigu, et riche de réflexions que c’est au lecteur-spectateur d’interpréter. Sous ses airs désabusés, le théâtre de Beckett est profondément poétique et mélancolique et c’est cette manière unique dont il se livre à nous en même temps qu’il nous échappe qui fait à mes yeux toute sa beauté et sa grandeur.

Note :

Samuel Beckett (1906-1989) – Irlandais
112 pages – 1957 – ISBN : 2-7073-0070-5