Antoine Bello – Les funambules
Résumé :
Cinq nouvelles, cinq destins hors du commun racontés à travers des prismes différents. Dans Manikin 100, Nicholas raconte la vie de son maître Kreuzer, célèbre sculpteur de mannequins. Soltino est le héros éponyme de la seconde nouvelle : l’obsession de ce funambule était de tendre son fil toujours plus haut. Dans Go Ganymède !, l’astronaute Jim Mute est envoyé dans une navette spatiale vouée à tourner autour de Jupiter. Le dossier Krybolski voit la cristallisation de l’intérêt des chercheurs autour de ce joueur de quilles dont beaucoup sont persuadés que ses écrits recèlent des attaques contre le régime soviétique. L’année Zu revient sur l’œuvre d’un écrivain minimaliste, dont chaque nouveau texte était plus court que le précédent.
Extrait :
Jim Mute a toujours vécu dans le bruit. Comme nous, il ignore ce qu’est le silence. Plusieurs fois, au cours de la nuit, alors qu’autour de lui les rumeurs se taisaient, il a cru s’en approcher. Une douce inquiétude le gagnait. Mais comment aurait-il pu confondre ce repos, profond mais temporaire, avec la paix ineffable, définitive, qu’apporte le silence ? Le silence sur Terre n’existe pas. Les mots mêmes nous manquent pour le décrire. On l’appelle absence de bruit, comme on dit du blanc qu’il est le contraire du noir. Mais a-t-on déjà vu un aveugle se représenter le blanc à partir du noir qu’il a continuellement sous les yeux ?
Bientôt Mute entendra le silence. J’ignore s’il doit s’en réjouir mais je sais qu’il n’aura pas besoin de tendre l’oreille : le silence le trouvera où qu’il soit et quoi qu’il fasse. Le volume de la télévision qu’il aura poussé au maximum, la musique qu’il fera jouer à tue-tête ne lui seront d’aucun secours. Car il comprendra alors que le silence est le contraire d’une absence. C’est une matière plus dense que la plus dense des matières. C’est un voile qui enveloppe ses proies et se nourrit de la terreur qu’elle inspire. C’est une musique que l’on n’entend que dans l’espace, à bord de capsules qui filent dans la nuit, lancées vers des contrées dont elles ne reviendront pas.
Avis :
J’ai été complètement séduite par ce petit recueil de nouvelles, un peu déroutant parfois mais parfaitement maîtrisé. Le titre lui donne son unité : chacune des histoires évoque un homme tenaillé par une obsession et oscillant sur un fil ténu entre la folie et la recherche éperdue d’un sens. Chacun de ces courts récits emprunte les voies d’un genre différent, et la chute est parfois moins importante que la construction du récit. Mais ce qui est sûr, c’est que j’ai apprécié chacune de ces nouvelles aussi bien séparément qu’en regard les unes des autres et c’est peut-être ce qui fait tout le génie de ce recueil : ce fil conducteur que l’on retrouve d’un texte à l’autre et qui va jusqu’à des clins d’œil explicites entre les deux dernières nouvelles. Mention spéciale pour la dernière “L’année Zu”, qui est à mes yeux la plus drôle et celle qui fait preuve avec beaucoup d’intelligence d’un sens de l’auto-dérision très savoureux. Une belle découverte, pleine d’originalité pour une lecture que je ne regrette pas !
Note :
Antoine Bello (1970) – Français
244 pages – 1996 – ISBN : 978-2-07031000-5
août 19th, 2010 à 11:07
J’aurais été complètement tentée s’il ne s’était pas agi de nouvelles
août 19th, 2010 à 13:12
Je ne suis pas très nouvelles mais un jour … des fois que … si ça me tombe entre les mains
août 19th, 2010 à 21:08
Je ne cours pas spécialement après les nouvelles non plus, mais on découvre parfois de bonnes surprises (comme j’ai essayé de le montrer dans mon article), donc je pense que c’est bien quelquefois de se laisser tenter
août 23rd, 2010 à 19:24
Moi ça m’a l’air sympa ça et je n’ai rien contre les nouvelles Je note !
août 23rd, 2010 à 21:15
Tulisquoi : cool ! J’espère que ça te plaira !