Résumé :

Laura, jeune française de dix-sept ans, part en Allemagne en tant que jeune fille au pair pour découvrir ce pays, perfectionner son allemand et aussi fuir sa famille un peu bancale. Mais la famille dans laquelle elle arrive semble aussi avoir ses secrets et avec son allemand approximatif, il n’est pas facile pour Laura de s’imposer et de comprendre tout ce qui se passe. Et qui est ce grand-père chez qui elle trouve un exemplaire de “Mein Kampf” qui la dégoute autant qu’il la fascine ?

Extrait :

Cela se passe dans le froid d’un hiver allemand. Je descends du train après avoir parcouru plus de mille kilomètres. Madame Bergen m’attend au bout du quai. Grande, grave et belle. Notre premier échange est bref et approximatif. Je ne suis pas sûre de comprendre tous les mots qu’elle prononce. Mais je hoche la tête en signe de bonne volonté. Je ne sais pas exactement pourquoi je suis là. Ce que je laisse derrière moi ne peut se résumer en quelques mots. Disons pour simplifier que mon dessein officiel est de perfectionner mon allemand, que je pratiquais au lycée comme première langue. Je suis là pour apprendre. Alors ne perdons pas de temps. J’y suis, consentante. Et dès le premier instant, malgré le sommeil qui me guette, j’apprends. J’apprends qu’on ne marche pas sur la glace en baskets. J’apprends que, malgré quatre heurs d’allemand hebdomadaires depuis plusieurs années, je ne comprends pas une seule phrase en entier. Je pose mon bagage à l’arrière de la voiture, un minibus Volkswagen. Je souffle sur mes doigts gelés. Je n’ai pas dormi depuis vingt-quatre heures mais je suis jeune et pleine de ressources, comme aiment à le répéter mes parents. Cela se passe dans un port de la mer Baltique. Je viens d’avoir dix-sept ans.

Avis :

Au tout début du livre j’ai été assez inquiet. Dès la première page on peut lire l’extrait ci-dessus. Brigitte Giraud nous refait “J’apprends” version allemande, me suis-je dit ! En outre, le roman se déroule dans un rythme assez lent et j’ai eu peur d’avoir dans les mains un livre ennuyeux. Heureusement ces “j’apprends” se limitent à ces trois phrases et le rythme lent cache en fait une histoire assez troublante. En effet, on comprend rapidement qu’un drame se passe dans la famille allemande et que Laura porte en elle un passé déjà lourd. Le livre devient alors assez oppressant, à chaque page on se demande ce qui nous attend mais j’ai plutôt aimé cette sensation. Brigitte Giraud arrive à décrire la douleur, à maintenir jusqu’au bout le suspens et à faire monter petit à petit la tension ce qui n’est pas sans faire penser au dernier livre de Delphine de Vigan, “Les heures souterraines“.
Jusqu’à présent, je n’avais pas été très convaincu par le style de Brigitte Giraud. “J’apprends” tout comme “L’amour est très surestimé” m’avaient beaucoup plu au début mais laissé un goût amer sur la fin. Ici, c’est plutôt l’effet inverse et je ne peux que m’en réjouir !

Note :

Brigitte Giraud (1960) – Française
208 pages – 2009 – ISBN : 978-2-234-06346-4