Résumé :

Yann est étudiant à Caen. Fan de Marguerite Duras, il lui écrit de nombreuses lettres jusqu’à lui rendre visite. Il ne partira plus de chez l’écrivain et va nouer avec elle une relation très singulière. Il a 37 ans de moins qu’elle et pourtant il va devenir son ami, son amant, son infirmier, son souffre douleur, presque un esclave. Duras le rebaptise et en fait un personnage de roman : Yann Andréa Steiner.

Extrait :

J’ai ouvert.
On ne connaît jamais l’histoire avant qu’elle soit écrite. Avant qu’elle ait subi la disparition des circonstances qui ont fait que l’auteur l’a écrite. Et sutout avant qu’elle ait subi dans le livre la mutilation de son passé, de son corps, de votre visage, de votre voix, qu’elle devienne irrémédiable, qu’elle prenne un caractère fatal, je veux dire aussi : qu’elle soit dans le livre devenue extérieure, emportée loin, séparée de son auteur et pour l’éternité à venir, pour lui, perdue.
Et puis il y a eu la fermeture de la porte sur vous et sur moi. Sur le corps nouveau, haut et maigre.
Et puis il y a eu la voix. La voix incroyable de douceur. Distante. Royale. C’était la voix de votre lettre, celle de ma vie.
[...]
C’est quand vous avez commencé à parler des livres que derrière le regard attentif, le raisonnement lucide, parfait, j’ai été frappée par une sorte d’urgence que vous n’arriviez pas à modérer, comme s’il vous avait fallu faire vite tout à coup pour arriver à me dire tout ce que vous aviez décidé de me dire et aussi tout ce que vous aviez décidé de ne pas dire. Tout ce que vous vouliez me dire avant que tout à coup apparaisse l’évidence, la chose, terrible, illuminante, cette décisions que vous aviez prise : me connaître avant de vous tuer.
Très vite je n’ai plus sur de vous que ça.

Avis :

“Yann Andréa Steiner” est l’un des premiers livres que j’ai lu de Duras. Le relire maintenant que je connais bien l’œuvre de l’auteur m’apporte une autre vision de cette histoire.
Ce livre est un mélange de fictif et de réel : Duras y évoque son histoire avec le jeune Yann et, comme je le disais pour Nathalie Granger, on trouve aussi parallèlement à cette histoire celle d’un petit garçon (qui s’appelle Steiner lui aussi) et d’une monitrice sur une plage (peut-être la plage qui faisait face à la maison de Duras). Deux histoires d’amour impossible à cause de la différence d’âge. Pourtant l’histoire entre Yann Andréa et Duras aura bien lieu, un amour qui va totalement emprisonner Yann Andréa. Duras aimait l’idée qu’il soit à elle et rien qu’à elle, qu’elle soit unique pour lui. Elle espérait qu’à sa mort Yann Andréa mourait aussi. Sur ce sujet, je vous invite à lire “Marguerite Duras”, biographique passionnante de l’auteur écrite par Laure Adler.
On retrouve dans le livre l’univers romanesque de Duras. Il y a d’abord Théodora Kats, déportée juive imaginée par Duras dont elle aura tenté -sans succès- d’en faire un livre. Et puis il y a aussi la plage de S. Thala que l’on retrouve dans “Le ravissement de Lol V. Stein”.
Après la mort de Duras, Yann a parlé de cet amour dans “Cet amour-là”, un livre assez moyen mais qui intéressera les passionnés de Duras.

Même si “La pluie d’été” me semble être la meilleure clef d’entrée dans l’œuvre de Duras, je recommanderai aussi “Yann Andréa Steiner” à tous ceux qui ne connaissent pas encore très bien l’auteur. Il permet d’en apprendre un peu plus sur la vie de l’écrivain tout en découvrant son style et certains de ses personnages.

Je vous laisse une vieille interview donné par Yann Andréa, visiblement très marqué par sa relation avec Duras.

retrouver ce média sur www.ina.fr

Note :

Marguerite Duras (1914 – 1996) – Française
121 pages – 1992 – ISBN : 2-07-041626-7