Résumé :

Suite à une rupture qui l’a laissée à la dérive, la narratrice choisit de partir pour Venise. C’est la période de Noël et elle n’a pas de mal à trouver une chambre dans une pension où elle rencontre un vieux prince russe avec qui elle se lie d’amitié. En se promenant dans les rues, elle découvre aussi une petite librairie où elle fait la connaissance d’un homme grâce auquel elle entrevoit la possibilité d’un avenir.

Extrait :

Le prince me regarde, attentif.
-Vous buvez trop vite, il dit, ce n’est pas un vin de soif.
Il se carre dans son fauteuil, le verre à la main.
-Prenez le temps. Regardez cette couleur ! C’est un vin de patience. Comme cette ville. Mon père disait que le savoir commence comme ça, en appréciant le bon vin.
-Je commence tard.
-L’important, c’est de commencer.
Il garde un peu de vin sur sa langue et il le laisse couler.
-Chaque vin que vous buvez doit vous rappeler un vin déjà bu, un parfum, une terre. De même que chaque chose que vous apprenez doit se rattacher à quelque chose que vous savez déjà. C’est ainsi que le savoir se construit. Buvez maintenant.
Le vin imprègne ma langue. Le goût reste, pénétrant.
-Alors ?
-C’est mieux.
Luigi apporte du fromage sur un plateau. On mange, on ne parle pas, le prince m’enseigne cela. Une chose après l’autre. Et après les paroles.

Avis :

Je me suis encore une fois laissé séduire par ce roman de Claudie Gallay. Même si j’en ai apprécié l’atmosphère dès le début, je regrettais un peu les similitudes que je retrouvais avec Les Déferlantes. J’ai toutefois très vite abandonné cet a priori vu que  la magie du livre a opéré avec une force inattendue. La façon qu’a Claudie Gallay de mettre à nu la douleur dans l’écriture n’a pas d’équivalent : ce style taillé au couteau ne laisse place à aucune concession et la souffrance ainsi exprimée apparaît sans échappatoire, si ce n’est cette écriture qui l’exalte et tente de l’apprivoiser sans fin. Je m’imaginais aussi un dénouement trop prévisible mais le récit s’est bien chargé de me détromper. Encore une fois, les personnages de Claudie Gallay présentent une profondeur incroyable, une justesse et une pudeur à la mesure de leurs drames respectifs. On retrouve également intact cet amour de la littérature qui transparaît dans des références disséminées au fil des pages et qui entrent harmonieusement en écho avec l’histoire. Il ne faut pas craindre non plus un excès de pathétisme chez Claudie Gallay :  elle raconte les drames avec la détermination de ceux qui ont réussi à s’en arracher.

Pour Leiloona, une réelle force se dégage de ce roman bien sombre. Ce fut une magnifique découverte pour Praline ; quant à Emeraude, elle y a vu “un roman qui vous apprend à aimer, à regarder autour de vous, à regarder à l’intérieur de vous”.

Note :

Claudie Gallay (1961) – Française
302 pages – 2004 – ISBN : 2-7609-2524-2