Annie Ernaux – Journal du dehors
Résumé :
De 1985 à 1992, Annie Ernaux a consigné des scènes auxquelles elle a assisté en tant qu’observatrice dans le métro, le RER, à la caisse du supermarché ou dans la rue. Ce journal extime (pour reprendre une expression de Michel Tournier) se trouve finalement être un instrument assez révélateur de l’individu qui l’écrit, puisque c’est de l’auteur que dépend avant tout le choix des événements retranscrits.
Extraits :
Pourquoi je raconte, décris, cette scène, comme d’autres qui figurent dans ces pages. Qu’est-ce que je cherche à toute force dans la réalité ? Le sens ? Souvent, mais pas toujours, par habitude intellectuelle (apprise) de ne pas s’abandonner seulement à la sensation : la “mettre au-dessus de soi”. Ou bien, noter les gestes, les attitudes, les paroles de gens que je rencontre me donne l’illusion d’être proche d’eux. Je ne leur parle pas, je les regarde et les écoute seulement. Mais l’émotion qu’ils me laissent est une chose réelle. Peut-être que je cherche quelque chose sur moi à travers eux, leurs façons de se tenir, leurs conversations. (Souvent, pourquoi ne suis-je pas cette femme ?” assise devant moi dans le métro, etc.)
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Je m’aperçois qu’il y a deux démarches possibles face aux faits réels. Ou bien les relater avec précision, dans leur brutalité, leur caractère instantané, hors de tout récit, ou les mettre de côté pour les faire (éventuellement) “servir”, entrer dans un ensemble (roman par exemple). Les fragments, comme ceux que j’écris ici, me laissent insatisfaite, j’ai besoin d’être engagée dans un travail long et construit (non soumis au hasard des jours et des rencontres). Cependant, j’ai aussi besoin de transcrire les scènes du R.E.R., les gestes et les paroles des gens pour eux-mêmes, sans qu’ils servent à quoi que ce soit.
Avis :
Pas d’histoire dans ce livre, seulement des fragments de vie, mais leur juxtaposition hétéroclite prend pourtant un caractère romanesque et esquisse un réseau de significations qui émergent à la fois pour le lecteur et pour l’auteur. Recherche de soi dans le spectacle de la vie d’autrui, plaisir de trouver chez les autres des éléments constitutifs de notre individualité propre, il y a dans ce livre une véritable confrontation entre l’écriture et le réel. L’errance dans la ville m’a un peu fait penser à Nadja d’André Breton, aussi je n’ai pas été plus étonnée que ça (même si ce fut une agréable surprise) de voir une référence explicite à ce livre dans Journal du dehors. En outre, Annie Ernaux alimente ses réflexions d’une foule de petites remarques très justes, d’observations profondes qui nous amènent à modifier notre regard sur l’existence.
Note :
Annie Ernaux (1940) – Française
107 pages – 1985-1992 - ISBN : 978-2-07-039282-7
novembre 2nd, 2008 à 19:53
[...] le même mode de fonctionnement que dans Journal du dehors, Annie Ernaux retranscrit des instants de vie, des scènes puisées dans l’observation du [...]
novembre 2nd, 2008 à 21:59
Je lis depuis quelques temps déjà les impressions et avis sur les livres (je me suis même inscrite au flux rss et quelle joie de voir que le flux général fonctionne à présent *o*) et je ne sais pas pourquoi cet ouvrage d’Annie Ernaux m’attire étrangement. Retranscrire les instants de vie que l’on voit se vivre sous nos yeux décrit tout aussi bien l’auteur qui les écrit que les acteurs qui jouent dans ce monde. La confrontation réalité/fiction par le biais de l’écriture m’interpelle et la lecture de ce journal extime me donne envie. Bref, pour faire plus simple: merci pour cet avis.
(et tant que je laisse une trace de mon passage par ici, j’en profite pour vous remercier tous les deux pour ce site et la richesse culturelle dont il déborde )
novembre 2nd, 2008 à 22:07
Ah oui effectivement le flux RSS global semble fonctionner de nouveau… Etrange. Il faut mieux se fier aux trois flux différents je pense.
Dans tous les cas merci à toi de venir ici ! Ca fait plaisir ce genre de messages
novembre 2nd, 2008 à 22:20
Merci pour ce message encourageant. Si ce livre te tente, je ne peux que te conseiller aussi “La vie extérieure”. Et globalement toute l’oeuvre d’Annie Ernaux qui est véritablement passionnante.