Résumé :

Suite à la mort de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer (voir “Je ne suis pas sortie de ma nuit”), Annie Ernaux éprouve le besoin d’écrire sur elle et de revenir sur les différents moments de sa vie. C’est une manière de faire son deuil et de ressaisir une dernière fois par le souvenir les images successives qu’elle a eues de cette femme, c’est aussi une façon d’apprendre à réapprivoiser un monde dans lequel elle n’est plus.

Extrait :

C’est une entreprise difficile. Pour moi, ma mère n’a pas d’histoire. Elle a toujours été là. Mon premier mouvement, en parlant d’elle, c’est de la fixer dans des images sans notion de temps : “elle était violente”, “c’était une femme qui brûlait tout”, et d’évoquer en désordre des scènes, où elle apparaît. Je ne retrouve ainsi que la femme de mon imaginaire, la même que, depuis quelques jours, dans mes rêves, je vois à nouveau vivante, sans âge précis, dans une atmosphère de tension semblable à celle des films d’angoisse. Je voudrais saisir aussi la femme qui a existé en dehors de moi, la femme réelle, née dans le quartier rural d’une petite ville de Normandie et morte dans le service de gériatrie d’un hôpital de la région parisienne. Ce que j’espère écrire de plus juste se situe sans doute à la jointure du familial et du social, du mythe et de l’histoire. Mon projet est de nature littéraire, puisqu’il s’agit de chercher une vérité sur ma mère qui ne peut être atteinte que par les mots. (C’est-à-dire que ni les photos, ni mes souvenirs, ni les témoignages de la famille ne peuvent me donner cette vérité.) Mais je souhaite rester, d’une certaine façon, au-dessous de la littérature.

Avis :

Un livre extrêmement émouvant, qui retranscrit bien la dimension d’irréalité dont apparaît enveloppée l’existence suite à la perte d’un être proche. Annie Ernaux s’attache à faire revivre par les mots la figure de sa mère, tout en menant une réflexion sur les enjeux de l’écriture de ce livre qu’elle est en train de composer. On ressent avec beaucoup d’émotion le vacillement que ce deuil entraîne, l’impression de perte irrémédiable, cette douleur unique que seuls des mots simples peuvent rendre avec le plus d’authenticité.

Note :

Annie Ernaux (1940) – Française
106 pages – 1987 – ISBN : 978-2-07-038211-8