Laurent Gaudé - La porte des enfersRésumé :

Matteo emmène son fils Pipo à l’école. Ils sont en retard et Matteo est de mauvaise humeur. Soudain, ils se retrouvent pris au cœur d’une fusillade. Matteo protège au mieux son fils, mais quand il se relève, Pipo est inconscient, blessé. Il ne se réveillera pas.
Commence alors pour les parents une vie de tristesse et de souffrance. Giuliana ne cesse de supplier Matteo de lui ramener son fils, ou du moins de venger sa mort. Alors qu’il erre dans une nuit sans fin, il se retrouve dans un bar étrange où il fait la connaissance du professore, qui est persuadé qu’on peut se rendre aux Enfers et qu’il existe de par le monde, un certain nombre de portes qui permettent d’accéder au royaume des morts. Un espoir insensé renaît alors en Matteo.

Extrait :

“J’aurais dû tuer un homme aujourd’hui, dit Matteo. Toto Cullaccio. Je l’ai tenu en joue. Il était là, au bout du canon de mon arme, et j’ai baissé le bras. Je ne sais pas pourquoi. C’est pourtant l’homme qui a assassiné mon fils. Un petit garçon de six ans, mort dans mes bras sans que je puisse lui dire un mot. Quand je pense à mon fils, à sa vie coupée, à la mienne qui va s’étirer avec inutilité, je ne comprends pas ce que tout cela signifie. Le monde est petit et je vais me cogner contre des parois qui me déchireront les chairs. Alors il a bien fait, votre Frédéric II. Et tant pis pour l’excommunication. Qu’est-ce que vous voulez que ça fasse ? Il n’y a rien à redouter de nulle part. Le ciel. Le pape. Rien. Vous savez pourquoi ? Parce que le ciel est vide et que tout est sens dessus dessous. J’ai espéré, moi, le châtiment pour les assassins et le paradis pour les innocents. Vous pouvez me croire. J’ai espéré. De toute mon âme. Mais les hommes saccagent tout et ils n’ont rien à craindre. C’est ainsi que va le monde. Vous savez ce qu’il nous reste ?”
Il se tourna vers Garibaldo et Graziella comme s’il voulait prendre l’avis de tous, mais, comme personne ne répondait, il poursuivit : “Il ne nous reste qu’une chose. Notre courage ou notre lâcheté. Rien d’autre.”

Avis :

Laurent Gaudé esquisse avec talent une histoire qui flirte avec le fantastique tout en restituant avec beaucoup de justesse la douleur de la perte d’un enfant. J’ai été séduite par l’atmosphère du roman, la densité du sujet et la sobriété de son traitement. Gaudé se réapproprie le mythe de la descente aux Enfers en s’inspirant les représentations habituelles, mais il réussit en même temps à nous embarquer dans une histoire profondément humaine. A mes yeux, c’est un vrai bon roman : les personnages sont ambivalents, mystérieux et attachants ; chacun porte en lui un drame et présente une épaisseur palpable. Parfois, c’est presque frustrant que le livre soit si court. On aimerait suivre les personnages plus longtemps, notamment Grace et Garibaldo. Le style est très agréable : c’est très bien écrit et ça sonne juste ; la construction de l’histoire est minutieuse : les allers et retours entre présent et passé nous permettent de découvrir progressivement les personnages, ce qui permet à l’auteur de ménager le suspense et de s’assurer ainsi la fidélité du lecteur. Un livre envoûtant et émouvant à lire sans hésiter.

Note :

Laurent Gaudé (1972) – Français
267 pages – 2008 – ISBN : 978-2-7609-0652-5