Extrait :

Le bleu croît et se reproduit sur les décombres de notre vie.

Il pousse dans nos ruines et nos plâtras. Nous ne le désirerions pas avec autant de force si nous n’étions déjà certains de l’avoir perdu, si nous n’avions accumulé tant d’erreurs et de défaites, si nous n’étions venus cogner, de longue date, aux portes closes du ciel et de la mer qui toujours nous rejette, nous, nos projets, nos affaires médiocres, nos envies et nos appétits de grandeur, nos idées fausses et nos petits besoins, tout cela dans la tête en vrac, la pensée sens dessus dessous, les mains vides et le cœur déçu, éconduits que nous sommes par nos propres chimères, peut-être pour ne pas avoir su les aimer autant qu’il fallait, ballottés d’une écume à l’autre, en détresse dans le bleu, échoués bientôt sur le sable, et ne sachant plus où donner de l’amour.

Avis :

Quand je l’ai lu pour la première fois il y  a quelques années, ce livre a été pour moi une véritable révélation. J’ai découvert une écriture extraordinaire, frissonnante de beauté et de vérité. Je prends plaisir à le relire régulièrement et je sens que j’aurais pu écrire (en tout cas, j’aurais aimé) certaines des phrases qu’il contient ; quoi qu’il en soit, elles trouvent un profond écho en moi. La prose de Jean-Michel Maulpoix épouse le mouvement de la vie et la tisse de bleu dans un texte fluide qui se lit d’une traite tant on est saisi par sa beauté. Ce poète possède cette capacité qu’ont certains êtres à saisir et retranscrire l’essence des sentiments humains. A chaque fois que je retrouve ce livre, je me retrouve moi, et pas forcément toujours dans les mêmes passages. C’est le genre d’écriture qui donne foi en la vie, qui lui rend toute sa légitimité perdue, qui permet de la transcender.

Note :

Jean-Michel Maulpoix (1952) – Français
245 pages – 1992 – ISBN : 978-2-030830-9