Résumé :

En 1957, Saffie, une jeune allemande d’une vingtaine d’années, arrive à Paris. Elle accepte d’épouser Raphaël Lepage chez qui elle est entrée comme domestique peu de temps auparavant. La vie semble glisser sur elle avec indifférence, jusqu’au jour où elle rencontre Andras, un juif hongrois, lui aussi émigré.

Extrait :

Dans chaque histoire d’amour fou il y a un tournant ; cela peut venir plus ou moins vite mais en général cela vient assez vite ; la plupart des couples ratent le tournant, dérapent, font un tonneau et vont s’écraser contre le mur, les quatre roues en l’air.
La raison en est simple : contrairement à ce qu’on avait cru pendant les premières heures, les premiers jours, tout au plus les premiers mois de l’enchantement, l’autre ne vous a pas métamorphosé. Le mur contre lequel on s’écrase après le tournant, c’est le mur de soi. Soi-même : aussi méchant, mesquin et médiocre qu’auparavant. La guérison magique n’a pas eu lieu. Les plaies sont toujours là, les cauchemars recommencent. Et l’on en veut à l’autre de ce qu’on n’ait pas été refait à neuf ; de ce que l’amour n’ait pas résolu tous les problèmes de l’existence ; de ce que l’on ne se trouve pas, en fin de compte, au Paradis, mais bel et bien, comme d’habitude, sur Terre.

Avis :

Il n’est pas bon de se laisser dire excessivement de bien d’un auteur et de tarder à le lire. J’en ai fait l’expérience avec ce livre de Nancy Huston : j’ai été déçue, et d’autant plus que je m’attendais vraiment à un roman de qualité. En plus, je pensais lire une belle histoire, je suis donc tombée de Charybde en Scylla. Je ne veux pas non plus condamner ce livre trop sévèrement : j’ai apprécié la recontextualisation historique post Seconde Guerre Mondiale avec la guerre d’Algérie en toile de fond, ainsi que le choix d’une héroïne allemande, ce qui permet de ne pas basculer dans la conception manichéenne habituelle (gentils Français/méchants Allemands). Mais cela contraste d’autant plus avec le caractère excessivement artificiel de l’intrigue : cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un roman aux ficelles si visibles. L’héroïne ne m’a guère parue attachante, l’histoire d’amour arrive comme un cheveu sur la soupe de manière aussi improbable qu’artificielle. J’ai par conséquent mis du temps à entrer dans l’histoire, qui est loin d’être toute rose, et qui, si elle tient quand même tant bien que mal la route, s’achève sur un tonneau là encore très maladroit. J’ai aussi été gênée par les interventions explicites de la narratrice qui exhibe la dimension fictive de ses personnages avec ostentation, tout en voulant nous amener à adhérer à l’universalité de son propos. L’objectif est noble (peut-être placé trop haut ?), mais non atteint. Au final j’en retiens beaucoup de noirceur, d’invraisemblances et de maladresses, mais par moments, des réflexions très justes et joliment amenées d’ordre plus général me font penser que je pourrais peut-être trouver mon bonheur dans d’autres livres de cette auteur. Affaire à suivre…

Note :

Nancy Huston (1953)- Canadienne
220 pages – 1998 – ISBN : 2-290-31202-9