Résumé :

Suite au décès de son père, Annie Ernaux revient sur l’existence de cet homme simple, dont elle s’est éloignée petit à petit en entrant dans le monde de la bourgeoisie. Dans ce livre poignant s’expriment à la fois la tendresse pour le père en même temps que le malaise lié au changement de milieu social pour l’auteur, partagée entre l’attachement à son milieu d’origine et la culpabilité engendrée par l’impression de trahir.

Extrait :

Mon père est entré dans la catégorie des gens simples ou modestes ou braves gens. Il n’osait plus me raconter des histoires de son enfance. Je ne lui parlais plus de mes études. Sauf le latin, parce qu’il avait servi la messe, elles lui étaient incompréhensibles et il refusait de faire mine de s’y intéresser, à la différence de ma mère. Il se fâchait quand je me plaignais du travail ou critiquais les cours. Le mot “prof” lui déplaisait, ou “dirlo”, même “bouquin”. Et toujours la peur OU PEUT-ETRE LE DESIR que je n’y arrive pas.
Il s’énervait de me voir à longueur de journée dans les livres, mettant sur leur compte mon visage fermé et ma mauvaise humeur. La lumière sous la porte de ma chambre le soir lui faisait dire que je m’usais la santé. Les études, une souffrance obligée pour obtenir une bonne situation et ne pas prendre un ouvrier. Mais que j’aime me casser la tête lui paraissait suspect. Une absence de vie à la fleur de l’âge. Il avait parfois l’air de penser que j’étais malheureuse. [...]
Il disait que j’apprenais bien, jamais que je travaillais bien. Travailler, c’était seulement travailler de ses mains.

Avis :

Le livre le plus connu d’Annie Ernaux (il a obtenu le prix Renaudot en 1984 et c’est celui qu’on étudie en général au lycée dans le thème sur l’autobiographie), mais à mon avis pas le plus réussi. Il est quand même très bien, il rend parfaitement compte de la déchirure sociale vécue par l’auteur (thème récurrent dans son oeuvre), de la difficulté à ne pas se sentir coupable du passage à un milieu social plus aisé. La cristallisation de ces sentiments contradictoires sur la figure du père rend cette expérience d’autant plus accessible au lecteur.

Note :

Annie Ernaux (1940) – Française
114 pages -1983- ISBN : 2-07-037722-9