Samuel Beckett – Malone meurt
Résumé :
Malone est allongé dans un lit, peut-être dans une chambre d’hôpital. Il ne peut plus se déplacer et sait qu’il va bientôt mourir. Mais en attendant, il décide de raconter des histoires, en suivant le fil décousu de sa pensée, pour tuer le temps jusqu’à ce qu’arrive la fin…
Extrait :
Lasse de ma lassitude, blanche lune dernière, seul regret, même pas. Etre mort, avant elle, sur elle, avec elle, et tourner, mort sur morte, autour des pauvres hommes, et n’avoir plus jamais à mourir, d’entre les mourants. Même pas, même pas ça. Ma lune fut ici-bas, ici bien bas, le peu que j’aie su désirer. Et un jour, bientôt, une nuit de terre, bientôt, sous la terre, un mourant dira, comme moi, au clair de terre, Même pas, même pas ça, et mourra, sans avoir pu trouver un regret.
Avis :
Je voulais lire la trilogie romanesque de Beckett, mais je pense que je vais remettre le 3ème volet à plus tard, car c’est un peu trop démoralisant pour que mon état actuel me le permette. En tout cas, après Molloy, on découvre un univers qui n’est pas beaucoup plus réjouissant. On ne sait pas trop si Malone est très malade, ou complètement fou, ou même s’il est déjà mort. Toute hypothèse peut être envisagée puisque le texte suit le fil de la conscience du personnage sans se soucier de fonder sa cohérence. Ce qui est sûr, c’est qu’il est identifiable à la figure de l’écrivain : “Quel ennui. Et j’appelle ça jouer. Je me demande si ce n’est pas encore de moi qu’il s’agit, malgré mes précautions.” Il lui arrive aussi d’évoquer les personnages d’autres romans de Beckett. C’est donc à l’exploration d’une conscience lacunaire et dispersée que nous invite l’auteur (comme dans Molloy), une conscience qui est sans doute en partie la sienne. A moins qu’il ne s’agisse que d’une énorme mystification, dans laquelle Beckett ferait le pari de laisser affleurer le sens d’un texte sans cohérence préétablie. Sait-on jamais ? Moins glauque que Molloy (quoique…), j’ai ici eu le sentiment inverse : plus prenant au début, mais j’ai décroché sur la fin. Ma critique de Molloy est donc valable pour ce livre aussi : à réserver à un public averti. Et je comprends pourquoi je préfère les pièces de Beckett à ses romans : c’est qu’elles sont placées sous le signe du dialogue alors qu’ici, la solitude est prégnante, dérangeante et irréversible.
Note :
Samuel Beckett (1906-1989) – Irlandais
217 pages – 1952 – ISBN : 2-7073-1890-6
décembre 16th, 2009 à 23:39
Oh, Beckett, mon cher Beckett ! Je ne connais pas celui là, pourtant. Mais, je voulais juste dire que je trouve le passage que tu as déposé ici, très, très beau .
décembre 17th, 2009 à 0:28
Merci Julie ! Et c’est vrai que s’il n’est pas toujours des plus faciles à décrypter, Beckett sait manier les mots avec beaucoup de talent.
décembre 19th, 2009 à 15:33
Jamais lu ses romans, je vais donc me contenter des ses pièces, ce qui n’est déjà pas mal.