Résumé :

Dans cet essai, Todorov commence par remettre en question la pertinence de l’enseignement littéraire tel qu’il est donné aujourd’hui en France. Il exprime le souhait de voir s’établir un rapport plus étroit entre la littérature et le monde. Pour lui, la production littéraire actuelle a tendance à se renfermer sur elle-même ; il revient sur l’histoire littéraire pour mettre en évidence la façon dont nous sommes arrivés à la situation actuelle et prône un retour à une approche plus existentielle de la littérature, qui doit selon lui être avant tout envisagée comme un moyen de mieux connaître l’humain.

Extrait :

Si je me demande aujourd’hui pourquoi j’aime la littérature, la réponse qui me vient spontanément à l’esprit est : parce qu’elle m’aide à vivre. Je ne lui demande plus tant, comme dans l’adolescence, de m’épargner les blessures que je pourrais subir lors des rencontres avec des personnes réelles ; plutôt que d’évincer les expériences vécues, elle me fait découvrir des mondes qui me placent en continuité avec elles et me permet de mieux les comprendre. Je ne crois pas être le seul à la voir ainsi. Plus dense, plus éloquente que la vie quotidienne mais non radicalement différente, la littérature élargit notre univers, nous incite à imaginer d’autres manières de le concevoir et de l’organiser. Nous sommes tous faits de ce que nous donnent les autres êtres humains : nos parents d’abord, ceux qui nous entourent ensuite ; la littérature ouvre à l’infini cette possibilité d’interaction avec les autres et nous enrichit donc infiniment. Elle nous procure des sensations irremplaçables qui font que le monde réel devient plus chargé de sens et plus beau. Loin d’être un simple agrément, une distraction réservée aux personnes éduquées, elle permet à chacun de mieux répondre à sa vocation d’être humain.

Avis :

Un essai passionnant, qui a le mérite, contrairement à beaucoup d’autres, d’être extrêmement clair et accessible. Todorov fait preuve d’un esprit de synthèse remarquable, qui permet de mettre en place pas mal de choses : il aborde l’histoire littéraire à partir de la façon dont a évolué la perception de l’art, notamment depuis le siècle des Lumières. Sa réflexion, dûment argumentée, fait sens et éclaire la perception contemporaine de la littérature. Le seul bémol que je mettrais à ses propos, c’est son jugement quelque peu radical sur la production littéraire actuelle qu’il considère comme appauvrie. Autant je suis d’accord avec lui quand il condamne les dérives du structuralisme sur la façon d’enseigner aujourd’hui la littérature, autant je le trouve sévère dans sa condamnation de la triade formalisme-nihilisme-solipsisme, parce qu’il me semble qu’à chaque époque, la littérature reflète une certaine universalité des mentalités. Todorov me semble s’accrocher à une conception de la littérature qui s’avère un peu en décalage par rapport à la réalité des mouvances littéraires actuelles.

Note :

Tzvetan Todorov (1939) – Français d’origine bulgare
95 pages – 2007 – ISBN : 978-2-0812-0189-7