Résumé :

Le livre se divise en deux parties racontées par deux narrateurs différents. Dans la première, le monologue intérieur de Molloy nous fait entrevoir un personnage étrange marqué par une dégradation physique de plus en plus grande et dont la pensée en apparence cohérente,sur le papier témoigne d’un état mental dérangé (et dérangeant pour le lecteur), il erre dans la ville puis dans la forêt à la recherche de sa mère. Ses conditions de vie pitoyables restent assez obscures et ne sont livrées au lecteur que par bribes. Dans la seconde partie du livre, Jacques Moran est chargé d’une mission : retrouver Molloy. Il part donc en expédition dans la forêt avec son fils pour ce qui ressemble à une enquête top-secrète mais qui apparaît très vite comme une quête absurde, Moran n’arrivant plus à se souvenir pourquoi il recherche Molloy . Mais les destinées des deux protagonistes paraissent pourtant de plus en plus semblables.

Extrait :

J’avais commencé au commencement, figurez-vous, comme un vieux con. Voici mon commencement à moi. Ils vont quand même le garder, si j’ai bien compris. Je me suis donné du mal. Le voici. Il m’a donné beaucoup de mal. C’était le commencement, vous comprenez. Tandis que c’est presque la fin, à présent. C’est mieux, ce que je fais à présent ? Je ne sais pas. La question n’est pas là. Voici mon commencement à moi. Ca doit signifier quelque chose pour qu’ils le gardent. Le voici.
Cette fois-ci, puis encore une je pense, puis c’en sera fini je pense, de ce monde-là aussi. C’est le sens de l’avant-dernier. Tout s’estompe. Un peu plus et on sera aveugle. C’est dans la tête. Elle ne marche plus, elle dit, Je ne marche plus. On devient muet aussi et les bruits s’affaiblissent. A peine le seuil franchi c’est ainsi. C’est la tête qui doit en avoir assez. De sorte qu’on se dit, J’arriverai bien cette fois-ci, puis encore une autre peut-être, puis ce sera tout. C’est avec peine qu’on formule cette pensée, car c’en est une, dans un sens. Alors on veut faire attention, considérer avec attention toutes ces choses obscures, en se disant, péniblement, que la faute en est à soi. La faute ? C’est le mot qu’on a employé. Mais quelle faute ? Ce n’est pas l’adieu, et quelle magie dans ces choses obscures auxquelles il sera temps, à leur prochain passage, de dire adieu. Car il faut dire adieu, ce serait bête de ne pas dire adieu, au moment voulu. Si l’on pense aux contours à la lumière de jadis c’est sans regret. Mais on n’y pense guère, avec quoi y penserait-on ? Je ne sais pas.

Avis :

J’ai eu un mal fou à entrer dans l’histoire. Les longs monologues glauques de plus de 140 pages et qui ne sont jamais aérés par la présence de paragraphes me paraissent en effet bien peu attrayants à première vue. En outre, l’atmosphère est extrêmement malsaine puisque le personnage paraît complètement enlisé dans un corps qui ne cesse de se dégrader tandis que sa pensée n’est guère plus reluisante. J’avoue donc que je me suis un peu forcé pour trouver le courage de continuer… La seconde partie (un peu plus aérée, Dieu merci) m’a paru un poil moins rebutante mais l’atmosphère glauque à souhait est toujours omniprésente. Bien qu’elle ne nous apporte pas de réponses, la fin a le mérite de nous amener à cogiter. C’est donc ce que je retiendrai de plus positif dans ce bouquin, puisque malgré tout, Beckett nous donne encore une fois à penser la condition humaine par le biais de son univers, si particulier et si reconnaissable. Je ne conseillerai donc ce livre qu’aux lecteurs déjà un peu connaisseurs de l’univers beckettien. Je préfère de loin ses pièces de théâtre qui permettent aussi d’apprécier mieux ce roman dans la mesure où il permet d’établir des ponts entre les oeuvres. Mais surtout, ne commencez pas Beckett par ce livre, ça risquerait de vous en dégoûter et vous passeriez à côté d’un grand auteur. Espérons que ses autres romans me feront une impression plus favorable.

Note :

Samuel Bekett (1906-1989) – Irlandais
272 pages – 1951 – ISBN : 2-7073-0628-2