Vincent Borel – Antoine et Isabelle
Résumé :
L’auteur relate dans ce roman l’histoire de ses grands-parents Antonio et Isabel qui se sont rencontrés en 1925 à Barcelone. A travers un récit chronologique, il retrace les moments importants de leurs vies, influencées par les événements marquants de l’Histoire du XXème siècle, notamment la guerre d’Espagne qui eut pour conséquence leur installation en France et la déportation d’Antonio à Mauthausen en 1943. Mais la saga familiale est aussi mise en parallèle avec l’histoire d’une famille d’industriels lyonnais, les Gillet.
Extrait :
Pour Antonio et pour des dizaines de regards avides, la lecture c’est autant de fenêtres sur le monde qu’il y a de pages parcourues. Un mot construit une phrase qui forme un chapitre recelant de multiples expériences. la combinaison des lettres de l’alphabet une fois maîtrisée est aussi infinie que le nombre d’êtres sur la terre.
Bien plus tard, Antonio regrettera d’avoir quitté l’école. Pour lors, il lui a tourné le dos, comme il fuit le carrer dels Flassaders où n’existent que des convenances et où personne ne répond à ses questions. Car Antonio a soif, comme tous ces êtres avides de savoir et de connaissance. La lecture n’est pas pour eux une échappatoire ou un loisir de nantis : lire c’est croître.
Avis :
Le début du roman nous fait découvrir la situation (que je suppose autobiographique) qui serait à l’origine de l’écriture de ce livre : face à un interlocuteur narquois qui met en doute l’existence des camps de déportation, le narrateur-auteur évoque avec virulence l’expérience vécue par son grand-père à Mauthausen. Dès lors, c’est la nécessité de témoigner qui se fait ressentir : en restituant dans un livre l’histoire de sa famille, il cherche à la sauver de l’oubli. Ce projet tout à fait louable ne m’a pourtant guère convaincue sur le plan romanesque : est-ce parce qu’il touche au sacro-saint patrimoine familial que la magie n’opère pas ? A mes yeux, le récit ne dépasse pas le stade du catalogue d’événements et les personnages ne parviennent pas à atteindre une profondeur suffisante, comme si l’auteur était resté dans l’impossibilité de dépasser les silhouettes familières côtoyées durant sa jeunesse pour les transfigurer en personnages romanesques. Ce livre peut donc tout à fait se lire comme un témoignage : de l’évolution des mentalités, des convictions politiques, de la vision de l’existence – j’ai d’ailleurs apprécié à cet égard l’insertion par le narrateur du témoignage poignant écrit par son grand-père à sa sortie du camp, comme si l’écriture ne pouvait clairement pas être romanesque à ce moment-là et que le livre était le lieu de transmission d’un héritage, le relais de la voix éteinte de ce grand-père qui en est le héros.
Je ne nie pas les qualités de ce livre, mais pour ce qui est du style, force est de constater que j’y suis restée insensible : l’écriture m’a paru sans relief et plutôt ennuyeuse ; j’aurais préféré que le livre ne soit pas estampillé roman, cela aurait sans doute rendu ma critique moins sévère.
Je remercie Libfly et le Furet du Nord pour l’envoi de ce livre.
Note :
“Antoine et Isabelle” paraîtra le 26 août 2010 aux éditions Sabine Wespieser.
Vincent Borel (1962) – Français
489 pages – 2010 – ISBN : 978-2-84805-085-0
juin 30th, 2010 à 14:22
J’ignorais que Vincent Borel publiait un nouveau roman à l’été. Malgré tes réserves, j’irai voir de quoi il retourne car Borel ne m’a jamais déçu et a toujours su me surprendre avec des univers très différents.
D’ailleurs, j’ignore si tu as déjà lu cet auteur, je t’invite à découvrir “Mille regrets”, ou “Baptiste” qui sont mes préférés. Tu devrais changer d’avis quant à son style.
juillet 1st, 2010 à 21:08
Il est vrai que c’était le 1er livre que je lisais de cet auteur, je n’ai donc pas de point de comparaison possible. Pour ce qui est du style, c’est peut-être dû à la démarche autobiographique ou tout simplement une question de sensibilité personnelle, mais merci pour ces titres, je les note.
août 11th, 2010 à 0:40
Je crois que ce n’est pas parce qu’il parle de sa famille qu’il faut le prendre pour un récit autobiographique.
L’exode rural, dans ces années-là, a apporté énormément d’immigrés espagnols en France. Pour moi, Borel décrit plus l’Europe de début de siècle que sa famille. L’émergeance du socialisme, la présence de l’anarchisme à Barcelone, la montée de fascisme, le tout dans une description du quotidien, des mentalités, etc. Je trouve ca plutôt grandiose d’arriver à décrire autant de choses avec cette clarté-là.
(au passage, à moi il me fait penser à Michel Ragon : La mémoire des vaincus.)
août 11th, 2010 à 11:50
Delphine : tu as certainement raison, mais c’est justement cet aspect témoignage qui m’a laissée de marbre ; j’ai trouvé qu’il ne réussissait pas à nous rendre ces événements familiers. C’est la sensibilité qui m’a paru manquer, mais l’essentiel est que des lecteurs y trouvent leur compte.
septembre 20th, 2010 à 18:13
Si español la caduela es rissi al del pietro !
octobre 11th, 2010 à 21:19
j’ai été tout aussi déçu que toi et pour les même raisons =/
octobre 17th, 2010 à 14:55
Je suis d’accord. La reprise du témoignage du grand-père est le seul moment fort de ce roman.
novembre 28th, 2010 à 20:51
Un “Borel” peut-être plus difficile d’accès, dont la démarche stylistique se révèle bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Comme l’écrit Jacques A. Bertrand, “tout roman est autobiographie, et toute autobiographie est…” je vous laisse finir…
Les descriptions détaillées côtoient des éléments brumeux;
le juxtaposition de discours (narrateur-personnages-auteur…)jusqu’à la fusion confèrent au texte une triple dimension individuelle, européenne et universelle.
L’encadrement du récit par deux années-miroirs (2 001-2 010)
fournit une cohérence à l’oeuvre sans la clore.
Beaucoup plus qu’un devoir de mémoire, un siècle, écrit en 500 pages, avec pudeur et “neutralité”,sans pathos, dans toute son invraisemblable complexité.
Une invitation à la réflexion sur nos origines, nos actes, nos absences, nos responsabilités directes ou non,
et notre “à-venir”.
septembre 27th, 2011 à 17:08
le mot xurrigueresque se trouve à la page 38; qui peut m’aider à trouver la signification, l’etymologie?
novembre 9th, 2011 à 14:15
en fait ce devrait être churrigueresque
Le baroque churrigueresque est l’aspect que prend le baroque en Espagne au XVIII siècle et se caractérise par une abondance ornementale.