Jean Echenoz - Je men vais

Résumé :

Félix Ferrer tient une galerie d’art. Ses affaires professionnelles marchent plus ou moins bien lorsqu’un jour, son assistant Delahaye, lui parle d’un bateau pris dans les glaces au pôle Nord, et qui contient des antiquités d’un prix considérable. Cela ressemble à une affaire en or. C’est alors que Delahaye meurt dans d’étranges circonstances, Ferrer s’embarque donc seul pour le pôle Nord.

Extrait :

Entrés en vigueur en 1995, les accords de Schengen instituent, on le sait, la libre circulation des personnes entre les pays européens signataires. La suppression des contrôles aux frontières intérieures, ainsi que la mise en place d’une surveillance renforcée aux frontières extérieures, autorisent les riches à se promener chez les riches, confortablement entre soi, s’ouvrant plus grand les bras pour mieux les fermer aux pauvres qui, supérieurement bougnoulisés, n’en comprennent que mieux leur douleur. Certes les institutions douanières demeurent, qui n’autorisent pour autant pas le pékin à trafiquer impunément ce qu’il veut, mais celui-ci peut à présent se déplacer sans attendre une heure aux frontières pour qu’on lui renifle son passeport. C’est ce que Baumgartner s’apprête à faire.

Avis :

J’ai eu un peu de mal à rentrer dans ce livre, Echenoz a un style très particulier. Le narrateur jette un regard très détaché sur les choses, ce qui lui donne un côté cynique qui le rend à certains moments très drôle. Il s’amuse à donner plein de détails sur des choses sans importance tandis qu’il passe sous silence des éléments non négligeables. Il intervient à certains moments directement, supplantant ainsi le rôle du lecteur par des remarques totalement subjectives sur ses personnages, comme s’ils vivaient indépendamment de leur créateur, comme par exemple : “Personnellement, je commence à en avoir un peu assez, de Baumgartner. Sa vie quotidienne est trop fastidieuse.”
En fait, il semble que le regard désabusé que l’auteur porte sur le monde contamine la fiction, ce qui a un côté à la fois amusant et déstabilisant. J’ai beaucoup apprécié cette prise de position originale par rapport à l’intrigue : le lecteur est de cette manière perpétuellement confronté à l’artifice romanesque qui perd alors son caractère illusoire. D’ailleurs quand on y repense, il n’y a pas tellement d’intrigue non plus, celle-ci n’étant que le prétexte à des digressions incongrues et variées. Quoi qu’il en soit, ça a été pour moi une expérience de lecture enrichissante.

Note :

Jean Echenoz (1947) – Français
226 pages – 1999 – ISBN : 2-7073-1771-3