Résumé :

Lorsque Emmi Rothner se trompe d’adresse en envoyant un mail de résiliation au magazine Like, elle ne sait pas à quel point une petite faute de frappe va bouleverser son existence. C’est un certain Leo Leike qui lui répond en lui signifiant avec humour qu’elle s’est trompée. S’ensuit alors un échange de mails de plus en plus addictif pour les deux jeunes gens qui s’apprécient chaque jour davantage et ne peuvent très vite plus se passer de la présence virtuelle de l’autre. Mais chacun a sa vie… et que peut-on attendre de quelqu’un dont on ne connaît que les mots et dont on imagine tout le reste ?

Extrait :

Chère Emmi, avez-vous remarqué que nous ne savons absolument rien l’un de l’autre ? Nous créons des personnages virtuels, imaginaires, nous dessinons l’un de l’autre des portraits-robots illusoires. Nous posons des questions dont le charme est de ne pas obtenir de réponses. Oui nous nous amusons à éveiller la curiosité de l’autre et à l’attiser en refusant de la satisfaire. Nous essayons de lire entre les lignes, entre les mots, presque entre les lettres. Nous nous efforçons de nous faire de l’autre une idée juste. Et en même temps, nous sommes bien déterminés à ne rien révéler d’essentiel sur nous-mêmes. “Rien d’essentiel”, c’est-à-dire ? Rien du tout, nous n’avons encore rien raconté de notre vie, rien de ce qui fait notre quotidien, rien de ce qui est important pour nous.
Nous communiquons au milieu d’un désert. Nous avons sagement avoué quel était notre métier. En théorie, vous pourriez me faire un joli site internet et moi établir de vous un (médiocre) profil psychologique. C’est tout. Nous savons grâce à un mauvais magazine local que nous habitons la même ville. Mais à part cela ? Rien. Il n’y a personne autour de nous. Nous n’habitons nulle part. Nous sommes sans âge. Nous ne faisons pas la différence entre le jour et la nuit. Nous vivons hors du temps. Nous sommes retranchés derrière nos écrans, et nous avons un passe-temps commun : nous nous intéressons à un parfait inconnu. Bravo !

Avis :

J’ai eu vent de l’existence de ce livre à l’occasion de la sortie de La Septième Vague, sa -visiblement tant attendue- suite. Voyant alors les élogieux articles que les blogueuses lui consacraient, je me suis laissée tenter (et séduire) à mon tour. Sous son apparence inoffensive, ce livre est aussi prenant pour le lecteur que les mails d’Emmi pour Leo (et de Leo pour Emmi). On saisit très vite la complexité de la relation qui s’établit entre nos deux protagonistes, si forte et si magique ; et on se régale des échanges savoureux dont nous sommes les témoins, de la finesse de la psychologie de chacun des personnages qui s’amusent tour à tour à décortiquer les mots de l’autre. De plus, la forme que prennent les échanges (assez brefs) nous pousse à toujours vouloir lire le mail suivant, à rester dans le bain de cette conversation curieuse et réjouissante, ce qui ne l’empêche pas d’aborder des thèmes plus profonds sur le rapport à l’autre et la relation qu’on peut construire avec quelqu’un en ayant fait l’économie de la première étape : la rencontre. Un livre très agréable et prenant dont la fin sait avec talent nous laisser sur notre faim.

Note :

Daniel Glattauer (1960) – Autrichien
348 pages – 2010 – ISBN : 978-2-253-15730-4