Ce livre a été chroniqué dans le cadre d’un partenariat avec le site Chroniquesdelarentrée littéraire.com et dans le cadre de l’organisation du Grand Prix Littéraire du Web Cultura.

L’homme aux lacets défaits nous permet de découvrir la vie romancée de Lucien Gaulard, ingénieur électricien dont le génie n’a d’égal que son infortune. En effet, si l’on doit à ce brillant inventeur la création de l’alternateur qui nous rend encore aujourd’hui bien des services, Lucien Gaulard a dû faire face de son vivant à de vives critiques. Fer de lance du courant alternatif dès la fin du XIXe, Gaulard est en avance sur son temps qui croit encore beaucoup à l’intérêt du courant continu. En bref et sans s’encombrer des détails trop techniques, Gaulard est un génie incompris qui de plus n’a pas réussi à déposer les bons brevets. En conflit avec sa famille, ce malheureux inventeur termine sa vie sans un sou dans un asile à la suite d’un accès de démence.

Amoureux de Paris et en particulier du Marais, Patrice Delbourg nous explique dès les premières lignes du roman avoir fait connaissance avec Gaulard grâce à une plaque en marbre dédiée à l’inventeur située près de son domicile parisien. Il s’attache donc à nous raconter la vie du malheureux à travers cinq chapitres allant de « D’abord » à « Enfin ». Ce dernier chapitre a pour moi très bien porté son nom car malgré l’intérêt que peut avoir ce livre, j’ai eu énormément de mal à le lire et ce « Enfin » a vraiment sonné comme un soulagement. Dès les premières pages, j’ai eu l’impression que Delbourg a pris le livre des 100 mots à sauver de Pivot, qu’il en a ajouté une bonne dose supplémentaire au passage et qu’il a essayé de tous les caser dans ce roman. Si cela donne un côté ancien et poétique au livre, ces mots usés en freinent beaucoup la lecture. Sur quelques pages c’est amusant et insolite mais sur plus de 200 j’ai trouvé cela très pénible. A titre d’exemple, un passage pris au hasard :

« Dans le froid gris en embuscade, sous l’échauguette Herouet, sa vie lourde, trop lourde, il fait un temps de crématorium. L’air moite des primeurs stagne, irascible sous les verrières Baltard. Lucien souffre en maraude. Pensées de suie et humeurs de grisou. Intenses lancées testiculaires quand le talon touchait le bitume. Trou du cul caramélisé. Impossible de s’asseoir. »

Pour moi, un livre doit avant tout être accessible à tous. Celui-ci m’a semblé très élitiste et il vous faudra vous armer à plusieurs reprises d’un dictionnaire à moins d’être agrégé en lettres. Le livre a pourtant plusieurs atouts : l’histoire est intéressante, on sent que Delbourg a une très bonne connaissance de Paris, plusieurs notes d’humour viennent alimenter le récit et la grande Histoire côtoie de façon très habile la petite. Mais malgré tous ces bons points, le style et le vocabulaire beaucoup trop élitiste ne m’ont pas rendu cette lecture agréable, bien au contraire. J’ai lutté comme rarement pour parvenir à la fin de ce roman.

C’est donc un livre que je conseillerais aux amoureux des vieux mots. Par contre, je le déconseille fortement à tous ceux qui souhaiteraient trouver une lecture agréable et rafraichissante. Pour moi qui aime être happé par une histoire, c’est plutôt loupé… Je ne dirai donc surement pas de ce livre qu’il est drôlement bath !

Note :

Patrice Delbourg (1949) – Français
204 pages – 2010 – ISBN : 978-2-7491-1766-9