Résumé :

La narratrice vit depuis quelques mois à La Hague. Brisée par la vie, elle s’est réfugiée là pour observer les oiseaux migrateurs. L’arrivée d’un homme mystérieux,  Lambert, qui ne semble pas être un simple étranger, va faire remonter à la surface des histoires que le temps a mal enfouies. Un naufrage : la mer qui prend mais qui ne rend pas, des questions restées sans réponses et un nid de secrets auxquels la narratrice va s’intéresser.

Extrait :

Il était beau soudain, beau d’être à ce point presque fou.
La tasse était un poids supplémentaire, quelque chose de devenu impossible à porter. J’ai vu sa main, les doigts autour, à peine serrés. La tasse a glissé et le café s’est répandu.
La tache sombre, aussitôt bue par la poussière.
-Ça n’a pas d’importance, il a dit.
J’ai ramassé la tasse.
L’atelier était envahi par une foule oppressante et muette, traquée par la lumière aveuglante des halogènes. La dernière sculpture trônait, sœur de toutes les autres, elle témoignait de la même obsession, faire du juste avec de l’injuste, de la passion avec de la misère.
Et du désir avec de l’absence.
C’était cela le sillon que creusait Raphaël.
-Tu ressembles à tes sculptures.
Il a levé la tête.
Il y avait dans son regard un mélange de tendresse et de douleur, une lumière propre à ceux qui vivent la vie avec infiniment plus d’acuité que les autres. Le regarder m’a fait mal.
J’ai détourné la tête.
Raphaël a fermé les yeux.
-Je ne suis pas responsable…
Je me suis demandé s’il avait voulu parler des sculptures ou de ce qu’était devenu son visage.

Avis :

Cela fait bien longtemps que je lorgne sur ce livre, depuis que je suis tombée sur l’article élogieux de Leiloona et plus encore après avoir découvert d’autres livres de cette auteure. Si l’attente n’a fait que décupler mon désir de lire ce roman, le plaisir que j’ai ressenti à sa lecture a largement été à la hauteur. Je suis tombée amoureuse des descriptions sauvages de La Hague, des personnages écorchés par la vie et comme taillés dans la pierre brute, de cette histoire qui plonge au cœur des souffrances intimes et dont l’intrigue reste à mes yeux secondaires (même si je l’ai beaucoup appréciée – mais c’est vrai que ce n’est pas un livre qu’on lit pour le suspense vu que les événements à venir sont assez prévisibles). Claudie Gallay écrit des histoires comme j’aimerais en écrire, elle sait extraire l’essence des choses pour nous donner le sentiment à l’état brut. La poésie et l’émotion qui se dégagent de ce livre, et qui sont teintées d’une extrême pudeur m’ont bouleversée. Les personnages sont chacun porteurs d’une histoire trop lourde, ils apprennent à se reconstruire malgré l’âpreté de la vie et c’est jusque dans ses détails les plus infimes que l’écriture apparaît comme un réconfort. Un très très beau livre qui me donne envie de découvrir les paysages du Cotentin. La magie, la mer, les légendes, Prévert … et la vie : voilà un échantillon de tout ce qui vous attend dans ce livre envoûtant. Et j’en profite pour vous conseiller à nouveau le prochain livre de Claudie Gallay : L’amour est une île qui sort dans un peu plus d’un mois et qui est tout aussi réussi.

La Papote n’a pas ressenti d’empathie avec les protagonistes mais n’a pas pu lâcher le livre avant la dernière page ; pour Cathulu, c’est un livre précieux et nécessaire. Keisha a eu du mal avec le style haché et a trouvé le temps long avant que la magie fonctionne, Aifelle s’est sentie oppressée par l’atmosphère et a finalement été déçue. Quant à Clarabel, elle a trouvé ce roman tout bonnement magnifique.

Note :

Claudie Gallay (1961) – Française
539 pages – 2008 – ISBN : 978-2-290-02487-4