Résumé :

Fatigué par la vie qu’il mène, un homme décide un jour de “reprendre vie”. Il ne prendra pas le train de 8h07, il ne se rendra pas à son travail. Profitant de sa toute nouvelle liberté, il va d’abord errer à Paris, découvrir la ville sous un autre angle avant de partir en Europe de l’Est, vers Berlin puis Varsovie et Prague. Son périple va lui offrir une vision très poétique du monde ainsi qu’un oeil critique sur ce qui régit notre époque.

Extrait :

C’est maintenant qu’il faut reprendre vie. J’ai répété cette phrase toute la journée en longeant la Seine : “C’est maintenant qu’il faut reprendre vie.” Il y avait une lumière nouvelle dans les arbres, du vert partout, du bleu, et ce vent léger où flottent les désirs. J’ignore d’où venait cette phrase, mais elle glissait bien dans ma tête. Avec elle une joie bizarre se diffusait dans l’air d’avril, une joie de solitude qui vous ouvre la route. J’ai dit : “C’est maintenant qu’il faut reprendre vie.” [...] Un calme étrange fleurissait dans ma tête. Laisse faire, me disais-je, surtout laisse faire : un passage va s’ouvrir, et ce passage, tu l’appelleras Cercle. [...]
Il fallait que je prenne le train de 8h07. Si je ne voulais pas être en retard à mon travail, le train de 8h07, il me le fallait. J’étais très concentré sur le train de 8h07, et lorsqu’il est entré dans la station Champ-de-Mars, j’ai entendu la phrase : “C’est maintenant qu’il faut reprendre vie.” Il était 8h07, je regardais les portières rouge et bleu s’ouvrir, les voyageurs descendre ou monter , une voix dans les haut-parleurs nous a rappelé que ce train desservait toutes les gares jusqu’au château de Versailles. Je ne suis pas monté. J’ai pensé : cette phrase s’adresse à moi, ou plutôt elle s’adresse à tout le monde, mais ce matin, à 8h07, c’est moi qui l’entends. Et c’est vrai, me disais-je, rien n’est plus juste : il faut reprendre vie, il faut qu’à partir de ce matin, maintenant, tout de suite, je reprenne vie. J’ai répété cette phrase plusieurs fois sur un ton différent ; et tandis que les portières du train de 8h07 se fermaient, j’ai souri. Reprendre vie, bien sûr, c’est maintenant ou jamais. Reprendre vie, tout de suite, il faut.

Avis :

“C’est maintenant qu’il faut reprendre vie”. Dès le premier paragraphe, grâce à cette phrase, ce livre nous attrape. En lisant ce livre dans le métro ou dans le RER, regardant le regard perdu de certaines personnes je me suis dit moi aussi qu’il fallait peut-être reprendre vie. A défaut de faire le grand saut, j’ai lu avec beaucoup de plaisir ce roman.
J’ai cependant un avis assez partagé sur ce livre. Il est découpé en trois parties (d’abord la partie à Paris, puis ensuite à l’étranger). Si j’ai beaucoup aimé la première, je me suis un peu ennuyé sur les deux suivantes. La partie parisienne est très plaisante quand on vit dans la capitale : on y reconnaît et on y découvre des lieux. Entre les jardins parisiens, les rues typiques ou la librairie Shakespeare & Co, Yannick Haenel nous prouve que Paris n’est pas seulement une ville surpeuplée ou le travail étouffe tout. Il y a aussi de charmants endroits qui permettent de faire de charmantes rencontres. Mais dans les parties suivantes, j’ai trouvé que le livre tournait un peu en rond, se répétait et que rien de bien nouveau s’y passait, si ce n’est le décor qui change.
J’ai déploré aussi dans ce livre un langage parfois un peu cru dans certains passages, qui contraste vraiment avec l’univers très poétique du livre. Pourquoi être vulgaire quand rien ne le justifie ?
Enfin, j’ai lu sur Internet que certains reprochaient les citations trop nombreuses. C’est au contraire quelque chose qui m’a plu, étant toujours à la recherche de bons mots de la langue française.
Un bilan donc mitigé sur ce livre, qui aura été agréable à lire mais qui ne me laissera pas un souvenir impérissable !

Note :

Yannick Haenel (1967) – Français
541 pages – 2007 – ISBN : 978-2-036635-4