Alain Damasio – La Horde du Contrevent
Résumé :
Ils sont vingt-trois, préparés depuis l’enfance, familiarisés avec les différentes formes du vent. Ils ont pour objectif d’atteindre l’Extrême-Amont, l’origine du monde. Leur quête est physique, spirituelle et existentielle : ils sont la trente-quatrième Horde du Contrevent.
Extrait :
) De mon passé de rafale, je n’ai jamais cherché à dégravoyer le lit. Mes souvenirs sont fait d’épaisseurs, de vents et de poussière. Je coule, j’avance à pas élastiques, délardé comme une pierre, étréci jusqu’au dense, jusqu’à l’axe.
Avant même de naître, je crois que nous marchions. Nous étions déjà debout, la horde entière étalée en arc, déjà fermes sur fémurs et nous avancions avec nos carcasses raclées et nos côtes nues, les rotules rouillées de sable, à griffer le roc avec nos tarses. Nous avons marché longtemps ainsi, tous ensemble, à chercher la première de toutes nos prairies. Nous n’avons jamais eu de parents : c’est le vent qui nous a faits. Nous sommes apparus doucement au milieu de la friche armée des hauts plateaux, à grandes truellées de terre voltigée pris dans nos ossements, par l’accumulation des copeaux de fleurs, dit-on aussi, sur cette surface qui allait devenir notre peau. De cette terre sont faits nos yeux et de coquelicots nos lèvres, nos chevelures se teintent de l’orge cueilli tête nue et des graminées attirés par nos fronts.
Avis :
C’est très difficile de résumer un livre comme celui-ci, voire même impossible. Il faut lire et entrer petit à petit dans l’histoire : c’est un univers ne ressemblant à nul autre qui se construit sous le regard du lecteur, un univers difficilement imaginable mais qui pourtant prend progressivement forme dans l’esprit, une symphonie de mots ciselés avec la plus grande finesse, une douce musique qui ensorcèle l’oreille, une saveur qu’on apprend à apprivoiser et dont on ne ne peut très vite plus se passer. Le début est un peu déroutant, on a d’abord du mal à différencier les divers personnages ; le vocabulaire aussi fait écran, le style de Damasio est assez déroutant puisqu’il remodèle le langage avec pas mal de néologismes, mais on s’y fait assez vite, puis la magie opère, imperceptiblement et irrémédiablement.
Je trouve épatant, à l’époque dans laquelle on vit, de découvrir un auteur qui possède un tel talent de conteur. Je repense à ces histoires qui me tenaient en haleine quand j’étais petite. Je lisais alors essentiellement poussée par la volonté de savoir ce qui allait se passer. Dans ce livre, il y a à la fois le plaisir de l’histoire, et en même temps tout un conglomérat de mythes, de courants de pensées, de croyances, dont le livre se fait la synthèse, en même temps qu’il crée quelque chose de nouveau et d’unique. Comme le dit la quatrième de couverture, il s’agit d’un “livre-univers”, l’accès n’en est peut-être pas donné immédiatement, mais c’est aussi ce qui fait toute sa valeur et l’aventure en vaut vraiment la peine.
Note :
Alain Damasio (1969) – Français
700 pages – 2004 – ISBN : 978-2-07-034226-6
octobre 7th, 2008 à 20:26
Je le note c’est certain! Ton billet m’enchante et j’ai bien envie de découvrir ce livre!
novembre 9th, 2008 à 15:41
J’ai acheté ce livre l’an dernier et par faute de temps je n’ai pu me mettre à sa lecture, mais rien qu’à la lecture du résumé, mon souffle s’est coupé et la décision d’acheter ce livre a été immédiate, j’ai su, incontinent, que ce livre était spécial. En rentrant chez moi je n’ai pu alors m’empêcher d’en lire quelques pages, et depuis je garde aussi ce sentiment d’une écriture mélodique. Alain Damasio, c’est comme un orchestre philharmonique jouant avec la plus grande délicatesse, comme un grand chef cuisinier qui dose parfaitement les saveurs, comme un peintre qui sait nous faire voir plein de choses en 3 coups de pinceaux. J’ai ressenti ça, rien qu’à la lecture d’une poignée de pages, quand je l’aurai lu, il faudra que je revienne compléter mon avis ici-même.