Résumé :

Le peintre Basil Hallward a fait de Dorian Gray, un jeune homme à la beauté extraordinaire, son “égérie”. Il lui présente son ami Lord Henry, un dandy libertin dont le regard cynique sur la vie va avoir une influence fatale sur le jeune homme, en même temps que ce dernier prendra conscience du caractère inévitablement éphémère de sa beauté.

Extrait :

Vous avez un visage merveilleusement beau, M. Gray. Ne protestez pas. C’est la vérité. Et la beauté est une forme de génie, elle est même supérieure au génie, puisqu’elle se passe d’explication. Elle est une des grandes merveilles du monde, comme l’éclat du soleil, la naissance du printemps ou le reflet, dans les eaux de la nuit, de cette conque d’argent que nous nommons la lune. On ne saurait la mettre en question. Elle est souveraine de droit divin. Ceux qui la possèdent sont des princes. Vous souriez ? Ah, quand vous l’aurez perdue, vous ne sourirez plus… On dit souvent que la beauté n’est que superficielle. C’est possible. Mais du moins, elle n’est pas aussi superficielle que la pensée. Pour moi, la beauté est la merveille des merveilles. Il n’y a que les esprits légers pour ne pas juger selon les apparences. Le vrai mystère du monde, c’est le visible et non l’invisible… Oui, M. Gray, les dieux ont été bons pour vous. Mais les dieux reprennent vite leurs dons. Vous n’avez que quelques années à vivre, réellement, pleinement, intensément. Votre jeunesse s’en ira, votre beauté aussi, et alors s’ouvrira l’ère des triomphes médiocres. le souvenir de votre passé vous les rendra plus amers que des défaites. Chaque mois qui s’écoule vous rapproche de quelque chose d’effroyable. Le temps est jaloux de vous, et s’acharne sur vos lys et vos roses. Votre teint jaunira, vos joues se creuseront, votre regard s’éteindra. Vous souffrirez horriblement…

Avis :

Un livre que j’ai beaucoup apprécié, empreint de décadentisme, et qui n’est pas sans rappeler certaines nouvelles de Poe (je pense à “William Wilson” entre autres). Une réflexion intéressante mêlant l’esthétique et l’immoralité, portée par un personnage qui devient abject mais pour lequel on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine pitié. La dimension fantastique est subtilement introduite dans le texte et si la fin reste somme toute assez prévisible, tout se tient dans ce récit à la fois simple et profond : Wilde a l’art de distiller dans son propos nombre d’aphorismes et de “bons mots” qui donnent à réfléchir (même si dans la bouche de Lord Henry, ils prennent souvent un caractère dogmatique qui peut éveiller la méfiance du lecteur). Une œuvre d’une intelligence remarquable, écrite dans un style très travaillé et au sortir de laquelle on est enthousiaste. Un classique qu’il ne faut pas manquer de lire.

Note :

Oscar Wilde (1854-1900) – Irlandais
278 pages – 1890 – ISBN : 2-266-08265-5