Delphine de Vigan – Rien ne s’oppose à la nuit
Résumé :
A travers l’histoire de sa famille du côté maternel, Delphine de Vigan cherche à approcher la figure ambivalente de Lucile, sa mère, et à essayer de comprendre le mystère qui a toujours entouré cette femme, belle et mystérieuse, que sa fragilité mentale a brisée.
Extrait :
J’ignore au fond quel est le sens de cette recherche, ce qui restera de ces heures passées à fouiller dans les cartons, à écouter des cassettes ralenties par l’âge, à relire des courriers administratifs, des rapports de police ou médico-psychologiques, des textes saturés de douleur, à confronter des sources, des discours, des photographies.
J’ignore à quoi c’est dû.
Mais plus j’avance, plus j’ai l’intime conviction que je devais le faire, non pas pour réhabiliter, honorer, prouver, rétablir, révéler ou réparer quoi que ce fût, seulement pour m’approcher. A la fois pour moi-même et pour mes enfants -sur lesquels pèse, malgré moi, l’écho des peurs et des regrets- je voulais revenir à l’origine des choses.
Et que de cette quête, aussi vaine fût-elle, il reste une trace.
J’écris ce livre parce que j’ai la force aujourd’hui de m’arrêter sur ce qui me traverse et parfois m’envahit, parce que je veux savoir ce que je transmets, parce que je veux cesser d’avoir peur qu’il nous arrive quelque chose comme si nous vivions sous l’emprise d’une malédiction, pouvoir profiter de ma chance, de mon énergie, de ma joie, sans penser que quelque chose de terrible va nous anéantir et que la douleur, toujours, nous attendra dans l’ombre.
Avis :
Encore une fois envoûtée par la plume de Delphine de Vigan, j’ai été bouleversée par ce livre. Je suis particulièrement sensible à la démarche autobiographique dans ce qu’elle a de délicat (comment respecter la pudeur de chacun pour ne pas trop froisser la famille ?) et de complexe (comment rendre compte d’une vie à la troisième personne sans la rendre terriblement cliché et ennuyeuse ?). Delphine de Vigan a remporté ce double challenge avec brio : si ce récit (auto)biographique sonne si juste, c’est parce qu’elle intègre à son ouvrage ses tâtonnements et ses questionnements, parce qu’elle fait de ses errances et de ses hésitations le matériau-même de son “roman” (c’est ainsi que le livre est qualifié sur la couverture). Enfin, c’est parce qu’elle n’hésite pas à assumer sa place au sein de l’histoire qu’elle sait si bien trouver les mots justes. J’ai beaucoup aimé découvrir la manière dont elle s’est construite par rapport à sa mère ; de la même façon que l’auteure cherche dans cette démarche vouée à l’échec – mais néanmoins passionnante – à approcher le spectre maternel, le lecteur a lui aussi le sentiment de toucher du doigt les fondements de l’écriture de Delphine de Vigan, de découvrir la femme derrière la romancière et, même si c’est sans doute illusoire, de la comprendre.
C’est le très beau billet de Clara qui m’a convaincue !
Note :
Delphine de Vigan (1966) – Française
437 pages – 2011 – ISBN : 978-2-7096-3579-0
août 26th, 2011 à 20:59
Ton billet me fait énormément plaisir !!!!
août 28th, 2011 à 10:33
Un magnifique livre, oui !
septembre 19th, 2011 à 9:43
J’ avais aimé “Les heures souterraines” écrit en période post-traumatique, après le décès de Lucile .
“Rien ne s’ oppose à la nuit” est une oeuvre délicatement virtuose et Delphine de Vigan nous entraine dans la matrice de sa propre construction en évoquant le personnage de sa mère Lucile . Je ne sais si “roman” est la bonne catégorie pour ce livre, mais peu importe, Delphine de Vigan sait écrire .
septembre 19th, 2011 à 22:16
Dominique : j’avoue que le terme “roman” a aussi retenu mon attention. Mais dans la mesure où il s’agit d’une reconstitution (qui passe nécessairement par le détour de la fiction – même involontairement) de la vie de sa mère, je trouve que le travail effectué par Delphine de Vigan relève bien de la démarche d’une romancière.
septembre 21st, 2011 à 12:41
Oui Violaine, je crois que vous avez raison, c’ est la différence avec la biographie .
octobre 14th, 2011 à 16:47
Moi aussi j’ai trouvé ce roman très beau. J’y repense de temps en temps et je suis très contente de lire les avis aussi enthousiastes.
octobre 14th, 2011 à 19:25
Christine : en même temps, il est difficile de d’y rester insensible
octobre 15th, 2011 à 19:49
Violaine
Je suis bien de ton avis peu de personnes peuvent se prétendre insensible par rapport à une telle souffrance
octobre 23rd, 2011 à 18:20
“Respect pour les morts”
Ce livre est terriblement noir .Il n’y a aucun humour! (François Busnel devrait lire les livres qu’il conseil, de grace!cela se remarque souvent….)De plus il n’y a aucune pudeur dans ce livre (la nudité des grands parents continue sans doute?). Il est même profondément impudique. Lucile est l’objet livrée au monde,mise à nue par sa fille dans un pseudo devoir de mémoire,les mensonges parfaitements bien maitrisés dans des mots suaves,bien choisis, mais le fond est creux, la parole vraie est frappée d’interdits et de doutes, et le lecteur est bien manipulé.C’est le doute que sa fille perpétue, au nom des convenances? ne pas blessée sa famille ? ect.. alors pourqoi écrire? en effet…pour se soulager?il vaudrait mieux faire une thérapie . Les ravages subient par sa mère ne suffisent pas à convaincre sa fille de la vérité ? un beau sujet cette femme ravagée par une famille “formidable”….On dénonce, mais on se rétracte, et puis l’incertitude, le doute oui,sans aucun doute…Aucune implication authentique chez D de Vigan, aucun courage pour affronter la tribue .
je t’utilise pour me soulager le coeur,faire un beau livre, mais je ne dirai rien qui authentifie ta parole ni ton histoire….
NON, je suis profondément écoeurée par ce livre morbide et sans amour.la nausée vient du déni de l’écrivain rapporteur qui n’assume pas la vérité et la falcifie lachement, juste la vie à nue d’une femme dévastée par la violence et l’abus. Etat des lieux, compter les morts, solitudes,et dire “on ne sait pas vraiment la vérité???”. Sans doute pas assez de morts ni de souffrances pour dénoncer vraiment “Dallas”?La vérité supporte mal le manque d’engagement, la planque..de Vigan cherche à séduire le lecteur, à l’endormir…Mais le lecteur est dans le malaise, l’écrivain se dérobe sans cesse, ménage tout le monde, sauf sa mère;
Ce livre est un outrage profond envers une femme qui a suffisamment souffert du silence et des mensonges.
“Rien ne s’oppose au déni”, ça c’est bien vu!
octobre 23rd, 2011 à 21:14
Ferdinand : euh, vous reprochez à ce livre de n’avoir “aucun humour” mais ce n’est pas du tout l’ambition qu’il s’est donné. Vous avez l’air de vous demander pourquoi l’auteure écrit, je vous invite à relire l’extrait du livre que j’ai posté dans cet article.
Que François Busnel n’ait pas fait dans la dentelle, ça, je suis d’accord…
Quand vous écrivez “Aucune implication authentique chez D de Vigan, aucun courage pour affronter la tribu”, là encore, je vous renvoie au livre dont vous avez visiblement sauté des passages puisque l’auteure revient sur ce problème à de nombreuses reprises.
Quant au déballage que vous pointez du doigt, je m’insurge encore une fois. Je pense qu’au vu du témoignage de Delphine de Vigan, on peut aisément imaginer l’empreinte que les événements qu’elle raconte ont pu laisser sur elle. Dieu sait que la littérature-poubelle, il y en a à la pelle et c’est un procès qu’il est bien injuste de faire à Delphine de Vigan.