Résumé :

Julien Sorel, jeune homme d’origine modeste, rejette un milieu social et une famille qu’il déteste. Vouant une admiration sans bornes à Napoléon, il est dévoré par l’ambition. Doué dans les études et bénéficiant de la protection de l’abbé Chélan, il est engagé chez M. de Rênal, le maire de la ville de Verrières, pour devenir le précepteur de ses enfants. Le jeune homme est très vite apprécié pour son érudition et sa vivacité d’esprit. Prêt à tout pour gravir les échelons de la société, il décide de séduire Mme de Rênal.

Extrait du “Projet d’article sur Le Rouge et le Noir” (par Stendhal) :

L’auteur a osé bien plus, il a osé peindre le caractère de la femme de Paris qui n’aime son amant qu’autant qu’elle se croit tous les matins sur le point de le perdre.
Tel est l’effet produit par l’immense vanité qui est devenue à peu près la seule passion de cette ville où l’on a tant d’esprit. Ailleurs, un amant peut se faire aimer en protestant de l’ardeur de sa passion, de sa fidélité, etc, etc, et en prouvant à sa belle ces louables qualités. A Paris, plus il persuade qu’il est fixé à jamais, qu’il adore, plus il se ruine dans l’esprit de sa maîtresse. Voilà une chose que les Allemands ne croiront jamais, mais j’ai bien peur cependant que M. de S[tendhal] n’ait été peintre fidèle.
La vie des Allemands est contemplative et imaginative, celle des Français est toute de vanité et d’activité.
La morale, exécrable aux yeux des belles, qui résulte du livre de M. de S[tendhal] est celle-ci :
Jeunes hommes qui voulez être aimés dans une civilisation où la vanité est devenue sinon la passion, du moins le sentiment de tous les instants, chaque matin persuadez avec politesse à la femme qui la veille était votre maîtresse adorée, que vous êtes sur le point de la quitter.
Ce nouveau système, s’il prend jamais, va renouveler tout le dialogue de l’amour. En général, jusqu’au moment de la découverte de M. de S[tendhal], quand un amant ne savait que dire à sa belle, quand il était sur le point de s’ennuyer, il se rejetait vivement dans la protestation des sentiments les plus vifs, dans l’extase, dans les transports du bonheur, etc., M. de S[tendha] arrive avec ses deux volumes amusants pour démontrer aux pauvres amants que ces propos qu’ils croyaient sans conséquence, sont leur ruine. Suivant cet auteur, quand un amant s’ennuie auprès de sa maîtresse, ce qui, à toute force, peut arriver quelquefois dans ce siècle si moral, si hypocrite, et par conséquent si ennuyeux, ce qu’il y a de mieux à faire, c’est tout simplement de ne pas nier son ennui. C’est un accident, c’est un malheur tout comme un autre. Ceci paraîtra tout simple à notre Italie, le naturel dans les façons, dans les discours, y étant le beau idéal ; mais en France, pays plus affecté, ce sera une grande innovation.

Avis :

Je repoussais cette lecture depuis quelques années, persuadée par avance que ce livre serait ennuyeux à mourir. Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’en fait, mes préjugés n’étaient pas fondés. Non seulement, on ne s’ennuie pas en lisant Stendhal, mais en plus l’histoire est plutôt haute en couleurs, le personnage de Julien notamment, héros assez insaisissable et contradictoire. Sa lubie pour Napoléon, ses sentiments ambigus pour Madame de Rênal, et je ne parle pas du caractère versatile de Mathilde de la Mole par la suite. L’intrigue est du coup assez prenante et on n’éprouve pas trop de lassitude par rapport à la longueur du roman. Le découpage en courts chapitres introduits chacun par une épigraphe contribue aussi à une plus grande lisibilité de l’œuvre. Mine de rien, ces petits détails ont de l’importance. Au final, si je repense à l’œuvre dans son ensemble, je reste un peu perplexe face à la personnalité contrastée de Julien, mais j’ai vraiment apprécié le cheminement du récit et la façon dont les choses s’enchaînent, de façon plutôt imprévisible, je dois bien l’avouer. Une très bonne surprise en somme, même si je regrette de ne pas avoir les connaissances historiques suffisantes pour pleinement apprécier ce roman sous-titré : “Chronique de 1830″. Un classique qui gagne à être connu, si ce n’est pas déjà fait.

Note :

Stendhal (1783-1842) – Français
499 pages – 1830 – ISBN : 2-07-036017-2