Résumé :

Nana brille au théâtre des Variétés dans le rôle de Vénus, devenant ainsi la coqueluche de tout Paris. Ce n’est pas tant ses talents de comédienne qui font son succès que sa beauté envoûtante. Tous les hommes n’ont d’yeux que pour elle et c’est ainsi qu’elle va user de ses charmes pour accéder à une situation enviée, jalousée de tous. Son ascension fulgurante est contrebalancée par son désir de richesses toujours plus grand, qu’elle dévore au fur et à mesure qu’elle les entasse, comme les hommes qui sont ses victimes, et qu’elle abandonne une fois qu’elle les a dépouillés de tous leurs biens.

Extrait :

” Tu n’as pas lu l’article du Figaro ?… Le journal est sur la table. ”
Le rire de Daguenet lui revenait à la mémoire, elle était travaillée d’un doute. Si ce Fauchery l’avait débinée, elle se vengerait.
” On prétend qu’il s’agit de moi, là-dedans, reprit-elle en affectant un air d’indifférence. Hein ? chéri, quelle est ton idée ? ”

Et, lâchant la chemise, attendant que Muffat eût fini sa lecture, elle resta nue. Muffat lisait lentement. La chronique de Fauchery, intitulée la Mouche d’Or, était l’histoire d’une fille, née de quatre ou cinq générations d’ivrognes, le sang gâté par une longue hérédité de misère et de boisson, qui se transformait chez elle en un détraquement nerveux de son sexe de femme. Elle avait poussé dans un faubourg, sur le pavé parisien; et, grande, belle, de chair superbe ainsi qu’une plante de plein fumier, elle vengeait les gueux et les abandonnés dont elle était le produit. Avec elle, la pourriture qu’on laissait fermenter dans le peuple remontait et pourrissait l’aristocratie. Elle devenait une force de la nature, un ferment de destruction, sans le vouloir elle-même, corrompant et désorganisant Paris entre ses cuisses de neige, le faisant tourner comme des femmes, chaque mois, font tourner le lait.

Avis :

Zola est un auteur aussi talentueux que fascinant. Sa plume qui ne s’embarrasse pas de nuances peint un tableau très vivant du Second Empire. Vivant mais pas pour autant réaliste puisque Zola a à cœur de mettre à jour tous les vices caractérisant une société corrompue et décadente. Ainsi, Nana est la “mouche d’or”, qui perd peu à peu toute vraisemblance pour devenir une mangeuse d’hommes, presque au sens littéral. Le livre est à cet égard révélateur des mentalités de l’époque, et Zola se fait moraliste à l’excès, accumulant les traits stéréotypiques de son personnage et conférant ainsi à Nana une aura mythique et destructrice qui fait souvent prêter à sourire, comme dans cette phrase par exemple : « dans une gloire, son sexe montait et rayonnait sur ses victimes étendues, pareil à un soleil levant qui éclaire un champ de carnage ». C’est un livre dont les outrances font parfois franchement rire mais qui est tout à fait saisissant avec un je ne sais quoi de grandeur tragique, ce qui forme un mélange détonnant mais qui lui confère un relief très intéressant. Je pense quand même qu’il est éclairant pour un lecteur de se renseigner quelque peu sur le contexte avant de le lire car sinon, le propos peut surprendre et la galerie impressionnante de personnages (le premier chapitre est à cet égard un peu rebutant) risque de décourager ; alors que c’est une lecture qui en vaut la peine.

Note :

Emile Zola (1840-1902) – Français
475 pages – 1880 – ISBN : 978-2-0704-2357-6