Résumé :

“La vie, c’est pas pour les enfants”. C’est le leitmotiv de Maxence et de son petit frère Slimane : ils rêvent d’une famille normale, où leur père ne serait pas le Démon qui réduit en miettes leur existence et celle de leur mère. Maxence a fabriqué des ailes d’ange à Slimane, chacun enfile une aile quand ça va vraiment mal. Mais ça n’est pas suffisant, et Maxence commence à n’en plus pouvoir de cette vie qui n’en est pas vraiment une. Il veut partir au Pays sans adultes, là où seuls ceux qui ont gardé leur âme d’enfant peuvent aller.

Extrait :

Est-ce que le Démon connaît ma couleur préférée ? Les films qui me font rire ou pleurer, mon gâteau favori ? Est-ce que le Démon sait qui je suis ? Il faudrait un énorme marteau-piqueur pour percer son coeur de pierre et voir un peu de tendresse s’écouler. Comme les arbres qu’on entaille, au Québec, et qui donnent l’eau d’érable. Si, quand on nous aimait pas assez, nos cheveux arrêtaient de pousser et nos coeurs de battre, je serais entièrement chauve, avec une poitrine sourde et muette. Si, quand on nous aimait pas assez, nos corps se desséchaient et s’envolaient comme des feuilles mortes, on retrouverait des morceaux de moi en Australie, en Chine et au Pôle Nord. Est-ce que quelqu’un les ramasserait pour les recoller ensemble et fabriquer un nouveau Slimane ?

Avis :

J’ai été bouleversée par ce livre. Il traite d’un sujet profondément difficile et j’avais peur d’être engloutie sous une avalanche de pathos et de bons sentiments. Bon, il y en a un peu, c’était inévitable mais le début est tellement terrible qu’il faut bien rééquilibrer la balance. J’ai d’abord trouvé ce récit très pesant, parce que les choses ne cessent de s’assombrir et on se demande si ça va s’arrêter. Mais j’ai aussi d’emblée été touchée par le lien très fort qui unit Maxence et Slimane, et je me suis vite laissé séduire par le style de l’auteur qui permet justement de rendre un peu plus supportable ce récit, l’écriture lui redonne une beauté qui a déserté la vie des protagonistes. On s’attache de plus en plus au jeune Slimane, et même si je ne suis pas sûre que c’est de cette manière que s’exprimerait un enfant de onze ans, en tout cas, je trouve que cette façon de s’exprimer sonne juste dans la bouche d’un personnage censé raconter ce genre d’expérience. L’auteur ne cherche pas à donner un témoignage, elle travaille à rendre compte de l’état de ces existences cabossées par le biais d’une écriture poétique qui m’a parfois fait monter les larmes aux yeux. C’est un pari qui m’a semblé réussi.

Un livre qui ne fait pas l’unanimité sur la toile, chose que j’ai trouvé assez fascinante en voguant d’un blog à l’autre. Les avis positifs sont les plus répandus : Liliba et Florinette ont eu un énorme coup de cœur, Karine a trouvé cette lecture difficile mais belle et Armande a été bouleversée bien malgré elle. En revanche, les avis négatifs n’y vont pas de main morte : Roxane est restée insensible à la plume d’Ondine Khayat, Leiloona n’a même pas été jusqu’au bout du récit et Magda parle de “guimauve politiquement correcte mais très gnan gnan”.

Note :

Ondine Khayat (1974) – Française
307 pages – 2008 – ISBN : 978-2-298-02374-9