Résumé :

Le narrateur fait le récit de sa vie depuis la prise de conscience à 8 ans de sa laideur, à travers le regard de sa mère. Il portera sa difformité physique tout au long de son existence, tantôt comme un fardeau, tantôt comme un étrange pouvoir dont la force le dépasse. Solitaire, sa vocation avortée d’écrivain ne prendra véritablement forme que dans ce récit en forme de confession.

Extrait :

Laid comme un pou, comme un crapaud, comme un cul, comme les sept péchés capitaux, laid à faire peur, plus laid que le diable, face de silène, tête de gorgone, épouvantail, Caligula, Quasimodo, chevalier à la triste figure, monstre de Frankenstein, face du grand Pythre : j’ai connu la litanie des métaphores, à Siom et ailleurs, et j’ai compris qu’on n’est pas laid comme ça, en soi, mais que la laideur frappe si vivement ceux qui la regardent qu’ils ont besoin d’éléments de comparaison pour s’en défendre ou la tolérer : une façon de la relativiser : une figure de style qu’il s’agit d’inscrire dans un contexte plus général, par exemple dans la grande mythologie animale qui nous rapproche, nous, les laids, d’une forme de beauté, laquelle obéit aux mêmes métaphores, laid comme un crapaud ou beau comme une biche se rejoignant dans l’impossible désignation de ce qu’est exactement une personne laide ou quelqu’un de beau.

Avis :

Un livre écrit dans un style tout à fait remarquable, extrêmement ciselé et parsemé de subtiles références littéraires. Mais comme toute médaille à son revers, j’ai regretté un certain excès dans l’ornement parfois. En tout cas, le sujet est remarquablement maîtrisé, le héros de Millet prenant le contrepied des Apollons auxquels la littérature nous a souvent habitués. Le récit de ce Quasimodo contemporain nous initie subtilement à sa vision du monde, à la fois impitoyable et désespérée, mais jamais pathétique. Cette immersion dans la laideur nous séduit parce qu’elle nous perd dans les méandres de la langue, comme si la difformité physique du personnage était neutralisée par la beauté des mots avec laquelle il dépeint son existence. On regretterait presque que cette quasi perfection stylistique nuise à la réflexion sous-tendue par le propos. Un livre brillant, trop peut-être.

Note :

Richard Millet (1953) – Français
234 pages – 2005 – ISBN : 978-2-07-034249-5