Résumé :

Ce livre est un hommage rendu par l’écrivain à sa mère morte. C’est l’occasion pour lui d’évoquer le souvenir de moments partagés en sa compagnie, de se rappeler son enfance et l’amour absolu que lui vouait sa mère. C’est aussi un moyen de ramener à la vie la femme tant aimée et dont l’absence le ramène à sa condition de mortel.

Extrait :

Amour de ma mère. Jamais plus je n’aurai auprès de moi un être parfaitement bon. Mais pourquoi les hommes sont-ils méchants ? Que je suis étonné sur cette terre. Pourquoi sont-ils si vite haineux, hargneux ? Pourquoi adorent-ils se venger, dire aussi vite du mal de vous, eux qui vont bientôt mourir, les pauvres ? Que cette horrible aventure des humains qui arrivent sur cette terre, rient, bougent, puis soudain ne bougent plus, ne les rende pas bons, c’est incroyable. Et pourquoi vous répondent-ils si vite mal, d’une vois de cacatoès, si vous êtes doux avec eux, ce qui leur donne à penser que vous êtes sans importance, c’est-à-dire sans danger ? Ce qui fait que des tendres doivent faire semblant d’être méchants, pour qu’on leur fiche la paix, ou même, ce qui est tragique, pour qu’on les aime. Et si on allait se coucher et affreusement dormir ? Chien endormi n’a pas de puces. Oui, allons dormir, le sommeil a les avantages de la mort sans son petit inconvénient. Allons nous installer dans l’agréable cercueil. Comme j’aimerais pouvoir ôter, tel l’édenté son dentier qu’il met dans un verre d’eau près de son lit, ôter mon cerveau de sa boîte, ôter mon cœur trop battant, ce pauvre bougre qui fait trop bien son devoir, ôter mon cerveau et mon cœur et les baigner, ces deux pauvres milliardaires, dans des solutions rafraîchissantes tandis que je dormirais comme un petit enfant que je ne serai jamais plus. Qu’il y a peu d’humains et que soudain le monde est désert.

Avis :

Albert Cohen a un style d’écriture assez emphatique qui peut paraître surprenant au début. Mais j’ai aimé cet éloge rendu à sa mère, empreint de tendresse et parfois de douce moquerie. La perte de cet être, plus cher que tous les autres, entraîne la résurgence de nombreux souvenirs, mais aussi de regrets, ainsi que la prise de conscience de la finitude de tout être. A certains moments, le style un peu trop grandiloquent est lassant, mais ce qui domine dans ce livre, c’est la douleur du deuil qui s’exprime dans un vibrant éloge d’amour et la volonté de l’auteur de continuer à parler de sa mère, ainsi que du lien unique et privilégié qui existe entre une mère et son fils. Pour avoir déjà lu Belle du Seigneur de cet auteur, – chef d’œuvre dont, au passage, je vous recommande fortement la lecture – on trouve déjà dans Le livre de ma mère des thèmes chers à l’auteur : ici à l’état embryonnaire une réflexion sur l’amour et la beauté, l’obsession de la mort et aussi l’évocation de la culture juive qui imprègne profondément Albert Cohen.

Note :

Albert Cohen (1895-1981) – Suisse
175 pages – 1954 – ISBN : 978-2-070-36561-6