Pierre Michon – Rimbaud le fils
Résumé :
Les années de jeunesse du jeune Arthur Rimbaud revues à travers une réécriture de la biographie devenue mythique du poète. Pierre Michon nous offre un livre extrêmement écrit, et sa plume agile romance une histoire que nous connaissons déjà plus ou moins bien. L’auteur prend le parti de la poésie et son regard sur l’œuvre du jeune poète s’éclaire du contexte familial, littéraire et historique dans lequel à grandi le jeune génie de la poésie.
Extrait :
Nous sommes des crapules romanesques. Non, nous ne lisons pas, moi pas plus que les autres. C’est un poème que nous écrivons, chacun à notre manière, sous nos calottes de soie, comme jadis on le faisait autour des beaux canevas de Troie et de la Grèce. C’est notre poème, et les poèmes de Rimbaud restent cachés à l’intérieur du nôtre, bien au secret, réservés, comme postulés : notre poème a pris tant de place qu’il nous arrive, ouvrant le petit livre où reposent les écrits d’Arthur Rimbaud, de nous étonner qu’ils existent. Nous les avions oubliés. De nouveau nous les parcourons, hâtifs, aveugles, craintifs comme la petite fourmi qui sans souci des lignes passe en biais sur notre page, quand nous l’avons mise par terre près de nous, dans le jardin.
Avis:
Il est clair que Pierre Michon signe ici un livre en hommage à Arthur Rimbaud, nous prouvant encore une fois combien le parcours atypique et bref du jeune poète fournit une matière idéale pour alimenter les imaginations. Il y a du Sainte Beuve dans cette façon d’expliquer l’œuvre exclusivement par la vie, ce qui pourrait paraître gênant mais je pense vraiment qu’il faut voir ce livre comme un exercice littéraire, plutôt brillant d’ailleurs, qui ne s’embarrasse pas d’hypothèses et choisit de raconter une version de la vie de Rimbaud qui reste subjective et d’une certaine manière “engagée” (il suffit de constater la masse astronomique de critiques qui existent sur l’oeuvre de Rimbaud et la difficulté qu’on a encore malgré tout à décrypter sa poésie pour comprendre que son oeuvre comme sa vie sont de toute façon vouées à l’interprétation). J’avoue quand même que la brièveté du livre m’a permis aussi de l’apprécier car même si Michon écrit très bien, c’est tout de même une écriture qui nécessite une attention constante. Un livre que je conseille surtout aux amateurs de poésie et aux amoureux de Rimbaud.
Note :
Pierre Michon (1945) – Français
110 pages – 1991 – ISBN : 2-07-038808-5
décembre 21st, 2009 à 17:15
Je viens de lire Maitres et serviteurs et Les onze, mais le prochain sera Vies minuscules. Michon, c’est superbe, mais ne pas en abuser.
décembre 21st, 2009 à 18:11
C’est vrai qu’on m’a dit beaucoup de bien des “Onze”. Mais je pense effectivement que c’est un auteur à lire par petits bouts. Surtout si sa plume est toujours aussi soutenue.
décembre 22nd, 2009 à 18:54
Il me tente, toutefois. Je le note.
décembre 23rd, 2009 à 18:35
Hum, étonnant qu’il utilise encore cette technique façon “Sainte-Beuve” en 45 !
décembre 23rd, 2009 à 20:40
Leiloona : attention, 1945 est la date de naissance de l’auteur ; le livre a été publié en 1991 (mon édition du moins). Et quand je dis “Sainte Beuve”, c’est surtout pour donner une idée du point de vue adopté par l’auteur ; et comme le livre est avant tout littéraire, c’est le parti-pris de l’auteur d’expliquer l’oeuvre par la vie. Mais comme je le disais, raconter Rimbaud, c’est se forcer à prendre les choses par un bout, et donc à réduire le champ d’interprétations. Ainsi la lecture de Michon est sans doute contestable d’un point de vue historico-scientifique, mais ne pose pas de problèmes littérairement parlant. C’est juste qu’il faut bien avoir à l’esprit que c’est une biographie romancée.
décembre 18th, 2011 à 11:33
J’ai eu l’honneur de suivre un séminaire d’un érudit (Jean Yves Masson) sur les vies minuscules et de découvrir Pierre Michon. Puis, j’ai entendu un extrait lu par R. Enthoven sur France culture pour meubler une émission sur Rimbaud.
Depuis, je rêve d’une année pour lire tout ce que Michon a écrit : j’ai tout pour le savourer mais le temps, ce temps qui nous piège…
Aichetou