Cormac McCarthy – La route
Résumé :
Un homme et son jeune fils, survivants d’un monde dévasté, errent sur la route en quête de nourriture. Chaque jour est l’occasion d’un nouveau combat contre la faim et la fatigue et se caractérise par la traversée d’un désert gris. Cette existence monotone est ponctuée de temps à autre par la rencontre d’autres êtres, le plus souvent malfaisants et dont il faut se cacher pour essayer de rester en vie. Aucun espoir en toile de fond, si ce n’est – parfois - celui de mourir, le seul lien valant la peine de se raccrocher à la vie étant la forte tendresse entre le père et son fils.
Extrait :
Quand il se réveillait dans les bois dans l’obscurité et le froid de la nuit il tendait la main pour toucher l’enfant qui dormait à son côté. Les nuits obscures au-delà de l’obscur et les jours chaque jour plus gris que celui d’avant. Comme l’assaut d’on ne sait quel glaucome froid assombrissant le monde sous sa taie. A chaque précieuse respiration, sa main se soulevait et retombait doucement. Il repoussa la bâche en plastique et se souleva dans les vêtements et les couvertures empuantis et regarda vers l’est en quête d’une lumière mais il n’y en avait pas. Dans le rêve dont il venait de s’éveiller il errait dans une caverne où l’enfant le guidait par la main. La lueur de leur lanterne miroitait sur les parois de calcite mouillées. Ils étaient là tous deux pareils aux vagabonds de la fable, engloutis et perdus dans les entrailles d’une bête de granit. De profondes cannelures de pierre où l’eau tombait goutte à goutte et chantait. Marquant dans le silence les minutes de la terre et ses heures et ses jours et les années sans s’interrompre jamais. Jusqu’à ce qu’ils arrivent dans une vaste salle de pierre où il y avait un lac noir et antique. Et sur la rive d’en face une créature qui levait sa gueule ruisselante au-dessus de la vasque de travertin et regardait fixement dans la lumière avec des yeux morts blancs et aveugles comme des œufs d’araignée. Elle balançait la tête au ras de l’eau comme pour capter l’odeur de ce qu’elle ne pouvait pas voir. Accroupie là, pâle et nue et transparente, l’ombre de ses os d’albâtre projetée derrière elle sur les rochers. Ses intestins, son cœur battant. Le cerveau qui pulsait dans une cloche de verre mat. Elle secoua la tête de gauche à droite puis elle émit un gémissement sourd et se tourna et s’éloigna en titubant et partit à petits bonds silencieux dans l’obscurité.
Avis :
Un livre bien sombre, dont le style très travaillé crée une véritable poésie de la désolation. L’organisation du récit en paragraphes courts rend la lecture très agréable et on se laisse très vite emporter par ce flot envoûtant de mots. Les dialogues sont simples et poignants, l’errance des deux personnages principaux dans un monde qui n’est plus que l’ombre de lui-même emplit le livre d’une émouvante nostalgie. Les procédés narratifs sont donc simples et efficaces, j’en ai toutefois regretté le caractère un peu répétitif. Au final, si l’idée de départ est bonne, le livre manque quand même d’originalité et à mes yeux, rappelle trop certaines super productions américaines post-apocalyptiques (je pense à La Guerre des mondes ou encore Je suis une légende). Ces réserves mises à part, cela reste une lecture très sympathique et qui vaut le détour.
Note :
Cormac McCarthy (1933) – Américain
245 pages – 2006 – ISBN : 978-2-87929-591-6
mai 13th, 2009 à 16:59
Bonjour, j’ai trouvé ce roman vraiment très noir (trop?)(voir le 02/03/08). Il n’est pas si facile que cela à lire. Je me demande ce que va donner l’adaptation ciné. Je conseille une lecture plus “légère” juste après. Bonne fin d’après-midi.
mai 30th, 2009 à 9:31
Je n’ai pas vu “Je suis une légende” donc du coup, je n’ai pas ce point de comparaison là. En revanche, je connais bien “la guerre des mondes” … mais je n’ai pas du tout pensé à cette histoire en lisant ce livre. Mais je crois que l’adaptation qui va bientôt sortir sera plus du côté des standards américains. C’est dommage.
Je comprends tout à fait ton petit bémol en ce qui concerne les répétitions : je l’ai ressenti moi aussi au début.
mars 25th, 2010 à 16:12
J’ai du mal à établir un lien avec La guerre des mondes en dehors du fait que nous évoluons dans un monde post-apocalyptique. Je retiens de ce livre cette relation entre père et fils et toute la question de la transmission quand tout semble perdu. Le style est aussi dépouillé que l’univers dans lequel les personnages évoluent. Un grand texte.