Résumé :

Lorsqu’elle quitte le couvent à dix-sept ans, Jeanne retrouve avec joie ses parents et leur demeure des Peuples en Normandie. Bientôt, elle rencontre un charmant jeune homme, le vicomte de Lamare qui semble être celui que son cœur attend. Mais qu’est-ce qu’une toute jeune fille connaît de l’amour ? Aux premiers émois sentimentaux succèdent les fiançailles, puis le mariage. C’est la fin de l’espérance et la monotonie du quotidien qui se profilent alors à l’horizon.

Extrait :

Le baron serrait contre lui le bras de sa fille en lui pressant tendrement la main. Ils marchèrent quelques minutes. Il semblait indécis, troublé. Enfin il se décida.
“Mignonne, je vais remplir un rôle difficile qui devrait revenir à ta mère ; mais, comme elle s’y refuse, il faut bien que je prenne sa place. j’ignore ce que tu sais des choses de l’existence. Il est des mystères qu’on cache soigneusement aux enfants, aux filles surtout, aux filles qui doivent rester pures d’esprit, si irréprochablement pures jusqu’à l’heure où nous les remettons entre les bras de l’homme qui prendra soin de leur bonheur. C’est à lui qu’il appartient de lever ce voile jeté sur le doux secret de la vie. Mais elles, si aucun soupçon ne les a encore effleurées, se révoltent souvent devant la réalité un peu brutale cachée derrière les rêves. Blessées en leur âme, blessées même en leur corps, elles refusent à l’époux ce que la loi, la loi humaine et la loi naturelle lui accordent comme un droit absolu. Je ne puis t’en dire davantage ma chérie ; mais n’oublie point ceci, que tu appartiens tout entière à ton mari.”
Que savait-elle au juste ? que devinait-elle ? Elle s’était mise à trembler, oppressée d’une mélancolie accablante et douloureuse comme un pressentiment.

Avis :

Ce livre m’a beaucoup touchée parce qu’il décrit d’une façon très réaliste les illusions d’une jeune fille et sa dure confrontation avec la réalité. L’extrait que j’ai choisi en est une parfaite illustration et c’est vrai que pour un lecteur – a fortiori une lectrice – d’aujourd’hui, l’évolution des mentalités rend d’autant plus choquante la condition de la femme telle qu’on la concevait à l’époque. J’ai détesté Julien, j’ai maudit la passivité de Jeanne et j’ai haï l’ingratitude de Poulet. En outre, le style de Maupassant rend palpable, notamment à travers les descriptions de paysages, toute la sensibilité des personnages : “Elle semait partout des souvenirs comme on jette des graines en terre, de ces souvenirs dont les racines tiennent jusqu’à la mort. Il lui semblait qu’elle jetait un peu de son cœur à tous les plis de ces vallons.” Je me suis laissée happer avec délice par la beauté de cette écriture et par la simplicité et la tristesse de cette histoire. Un bien beau roman, tout teinté de mélancolie.

Note :

Guy de Maupassant (1850-1893) – Français
186 pages – 1883 – ISBN : 2-277-30109-4