Résumé :

Ce livre est une autobiographie brouillée de l’auteur : le personnage principal s’appelle Philippe Diamant (le véritable nom de Sollers est Philippe Joyaux) et fait une sorte de chronique familiale, il se remémore son enfance, évoque aussi sa vie sexuelle et lance quelques considérations sur le monde intellectuel. Mais voici un extrait du livre, qui ferait un assez bon résumé [Diamant est au restaurant avec sa nièce Blandine] :

-Et toi, dit Blandine, tu écris un roman ?
-Oui.
-Tes trucs illisibles, ou un machin comme ton dernier, là, “Femmes” ?
-Plutôt comme le dernier. Mais différent.
-Ca s’appelle “Hommes”?
-Non.
-C’est quoi ?
-Un peu Bordeaux. Autrefois. Et puis une ou deux histoires d’amour.
-Tes souvenirs d’enfance ? Il va y avoir grand-mère ? Maman ? Papa ?  Nous ? Tout le monde ?
-Transposé, ne t’en fais pas.
-Ce sera encore porno ?
-J’en ai peur.
-Mais pourquoi tu fais ça ?
Elle me regarde sincèrement peinée. Elle me fait du charme pour la bonne cause. Blonde aux yeux noirs… Les yeux de Laure… Les miens… La famille aimerait tellement mieux… N’est-ce pas…
-Ce serait compliqué à t’expliquer, chérie. En réalité, c’est fondamental. Une question d’esthétique encore mal comprise. Un dessert ?

Extrait :

Je suis né au moins trois fois. La première, entre six et sept ans, dans le fond du jardin, à Dowland, en remarquant à voix haute, un jour de neige, que je pouvais me parler autant que je voulais à moi-même. La deuxième à quinze ans, ça se comprend tout seul. La troisième, enfin, à trente-huit ans, c’est bien tard, au moment de la naissance de Julie, en me réveillant un matin avec la vision exacte de la catastrophe de mon existence. Rien fait, rien gagné, rien surmonté, rien saisi. Une quatrième révélation me semble improbable. Il me reste donc à tirer le meilleur parti de ces trois-là. C’est court une vie, c’est très long, mais le court et le long n’ont aucun rapport entre eux, c’est l’ennui, tout ce temps doré, lent, magnifique bronzé, bercé par les saisons, les aventures plus ou moins rêvées de la peau – et puis ce tassement sec, l’addition fausse, idiote, et son bruit cassé de squelette. Non. Aucun rapport. Rien à voir. Et la leçon est simplement qu’on n’ose pas, ou bien jamais assez, avoir le temps qu’on a, le miraculeux temps pour rien des après-midis d’autrefois.

Avis :

Difficile de juger ce livre tant il brasse pêle-mêle toutes sortes de considérations. J’ai du mal avec Sollers parce que son écriture suit le fil sinueux de sa pensée. Alors j’ai beau énormément apprécier sa façon d’écrire (il a vraiment un style très agréable), j’ai toujours un peu de difficultés à le suivre dans ses élucubrations, notamment celles d’ordre sexuel qui me semblent être les plus gratuites. J’ai donc plus aimé les parties sur l’enfance dans ce livre, et aussi la manière dont il rend compte avec humour de certaines anecdotes (réelles ou imaginaires, c’est laissé à la libre appréciation du lecteur). Je suis donc mitigée, peut-être aussi qu’il se dégage du bouquin un ton un peu pédant, du coup je ne me sens pas assez intelligente pour apprécier toutes les subtilités de l’écriture de Sollers (mais je m’en fiche car je n’ai pas trop d’affinités avec les gens qui prennent des airs importants ; même si on me dit que c’est un personnage qu’il s’invente, à mes yeux, cela marque son style et c’est fort dommage car il y a beaucoup de talent dans sa plume). Je tâcherai donc d’aborder d’autres livres de Sollers, pour me faire un avis plus définitif.

Note :

Philippe Sollers (1936) - Français
345 pages – 1984 – ISBN : 2-07-037786-5

Cet article étant régulièrement la cible de spams, les commentaires ont été désactivés. N’hésitez pas à nous contacter directement pour nous donner votre avis sur ce livre.