Résumé :

Tandis que le festival d’Avignon est perturbé par la grève des intermittents du spectacle en colère, Odon Schnadel, à la tête du Théâtre du Chien Fou, tient coûte que coûte à faire jouer Nuit rouge, la pièce d’un jeune auteur décédé cinq ans plus tôt, Paul Selliès. C’est aussi pour Paul que Marie a fait la route jusqu’à Avignon, parce que depuis la mort de son frère, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Alors elle est venue quand elle a su que sa pièce serait jouée, pensant peut-être trouver des réponses à ses questions ou un sens à son existence. Mais le nom qui est sur toutes les lèvres, c’est celui de la Jogar, cette actrice devenue célèbre qui revient dans son pays natal après cinq ans d’absence. Cinq années durant lesquelles Odon a laissé briller la lumière à l’entrée de sa péniche, parce qu’il s’est juré de la laisser allumée jusqu’à ce que Mathilde revienne.

Extrait :

-Odon va mieux… elle finit par dire.
Mathilde sourit doucement.
-Je l’ai vu.
Elle raconte quelques instants de la soirée sur la péniche, les gestes, cette tendresse entre eux, toujours ancrée.
-C’était une si belle histoire vous deux, dit Isabelle. Tu ne regrettes pas ?
Un sourire passe sur le visage de la Jogar. Parfois, Odon lui manque, sa tendresse, son amour aussi, les étreintes de son corps lourd.
Elle laisse glisser sa cuillère sur la tranche de pain perdu.
-L’amour est une île, quand on part on ne revient pas.
Elle se lève, s’approche de la fenêtre. Des insectes bruissent furieusement dans les plantes du balcon. Les feuilles brûlent de tant de soleil.
Isabelle vient la rejoindre.
-Tu aimes encore ?
-Oui… J’aime mon métier, j’aime les mots, mes amis. J’aime la terre, la nature…
-Et les hommes ?
-Les hommes aussi quelquefois, mais je m’ennuie vite avec eux. Ils me font perdre mon temps, me prennent mon énergie. Je les aime tellement que je ne les aime qu’avec passion…
Elle soupire. La passion est un fruit à croissance rapide, il retombe vite et… pourri.
Elle dit ça en riant fort.

Avis :

Je n’ai pas caché mon enthousiasme lorsqu’Antoine a reçu ce livre de la part de Libfly et du Furet du Nord, que je remercie vivement à mon tour. Découvrir en avant-première le livre d’une auteure qui m’a déjà beaucoup touchée a été une très bonne surprise. Et quelle lecture ! Un récit qui m’a emportée dès les premières lignes, un canevas savamment tissé par les parcours croisés de divers personnages : Odon, Marie et Mathilde (pour ne citer que les principaux), chacun égratigné par la vie et par le passage du temps, vivant avec ses fantômes ou tentant de les fuir. Des êtres qui avancent tout en devant faire face à l’adversité, à l’aridité des souvenirs à jamais ancrés dans le passé. Le tout sur fond de théâtre, et de ce fait empreint d’un amour des mots qui transpire de l’écriture à chaque page. Un drame tout en pudeur se construit avec une minutie et une profondeur d’une rare justesse : on se retrouve très vite (encore une fois) ensorcelé par la prose de Claudie Gallay, son écriture sans fioritures et qui sonne toujours juste, qui résonne même en écho à nos propres sentiments qui rejaillissent à fleur de peau. Difficile d’abandonner le livre avant d’être parvenu à la dernière page et l’on reste habité pour longtemps par la poésie de certaines phrases. Un petit chef d’œuvre qui, je l’espère,  illuminera vos lectures estivales.

Note :

“L’amour est une île” paraîtra le 18 août 2010 aux éditions Acte Sud.

Claudie Gallay (1961) – Française
349 pages – 2010 – ISBN : 978-2-7427-9285-6