Résumé :

Ce récit relate l’épisode traumatisant d’un avortement vécu par la narratrice en 1963, à une époque où cette pratique absolument illégale était effectuée par des “faiseuses d’ange” dans des conditions assez terrifiantes. Revenir sur cet événement, ce désir de l’écrire permet de lui donner une nouvelle réalité et témoigne aussi d’une volonté de saisir l’essence de cette étape marquante de sa vie en la resituant dans un contexte, peut-être une manière de lui donner sens a posteriori.

Extrait :

Les nouveaux-nés pleuraient par intermittence. Il n’y avait pas de berceau dans ma chambre mais j’avais mis bas moi aussi. Je ne me sentais pas différente des femmes de la salle voisine. Il me semblait même en savoir plus qu’elle en raison de cette absence. Dans les toilettes de la cité universitaire, j’avais accouché d’une vie et d’une mort en même temps. Je me sentais, pour la première fois, prise dans une chaîne de femmes par où passaient les générations. C’était des jours gris d’hiver. Je flottais dans la lumière au milieu du monde.

Avis :

Un livre saisissant. J’avoue que j’avais seulement une vague idée des conditions atroces dans lesquelles les femmes enceintes devaient avorter autrefois et de la difficulté de ce que ça représentait. Ce livre crée un sentiment de malaise, pourtant l’auteur ne sombre jamais dans le pathos et ne s’attarde pas à décrire le traumatisme que cet acte a dû représenter ; il est cependant très bien rendu par les mots, j’ignore comment Annie Ernaux réussit à concilier cette dimension profondément intime de l’écriture avec son caractère universel, chose qui m’avait déjà marquée dans certains de ses livres précédents. Malgré son côté profondément dérangeant, la place de ce livre dans l’oeuvre littéraire d’Annie Ernaux se justifie parfaitement. Encore une lecture qui, surtout du fait de la démarche de l’auteur, en vaut la peine.

Note :

Annie Ernaux (1940) – Française
130 pages – 1999 – ISBN : 978-2-07-041923-4