Résumé :

Ce livre est le récit de la passion d’une femme pour un homme, passion décrite dans tout ce qu’elle a de plus primaire et de plus obsessionnel. Comme dans ses autres livres, Annie Ernaux essaie de mettre en évidence par le biais de l’écriture les principales formes que prend cette passion, c’est une façon de l’analyser de manière objective, sans pour autant tenter de l’expliquer.

Extrait :

Qu’il soit étranger rendait encore plus improbable toute interprétation de son comportement, modelé par une culture dont je ne connaissais que l’aspect touristique, les clichés. J’avais d’abord été découragée par ces limites évidentes à la compréhension mutuelle, renforcées par le fait que, s’il s’exprimait assez bien en français, je ne parlais pas sa langue. Puis j’ai admis que cette situation m’épargnait l’illusion de croire à une parfaite communication, voire fusion, entre nous. Dans le léger décalage de son français par rapport à l’usage habituel, dans l’hésitation que j’éprouvais quelquefois sur le sens qu’il attribuait à un mot, je mesurais à chaque instant l’à-peu-près des échanges de paroles. J’avais le privilège de vivre depuis le début, constamment en toute conscience, ce qu’on finit toujours par découvrir dans la stupeur et le désarroi : l’homme qu’on aime est un étranger.

Avis :

Ce livre m’a rappelé L’occupation à cause de son thème, même s’il m’a semblé un peu moins parlant (cette appréciation reste purement subjective étant donné que j’ai encore trouvé pas mal de phrases très percutantes dans ce livre, mais comme il faut bien hiérarchiser un peu…). En tout cas, mes lectures successives d’Annie Ernaux m’amènent à voir son œuvre autobiographique comme une recherche paradoxale (celle d’un sens découvert -parce que créé- a posteriori), un dévoilement qui s’adresse à soi et en même temps à tout lecteur qui peut se reconnaître dans ses livres. Il s’agit, par le subjectif, de toucher à l’universel, et c’est ce qui fait tout l’intérêt de ses textes. La justesse de ton, l’impression de sincérité qui s’en dégage (même si toute autobiographie de par son caractère étroitement subjectif a quelque chose de fictif) et la réflexion constante menée sur l’écriture en rapport étroit avec l’existence donnent à cette oeuvre un caractère profondément percutant et précieux.

Note :

Annie Ernaux (1940) – Française
77 pages – 1991 – ISBN : 2-07-038840-9