Résumé :

Quatre narrateurs (un étudiant de l’école des mines, un détective privé, l’héroïne et un de ses amants) construisent le portrait de Jacqueline Delanque ou Louki. Jeune femme ayant rapidement quitté son mari et qui flâne dans le Paris des années 50/60 en déversant ses souvenirs : une enfance difficile, un mariage raté et quelques amitiés avec des clients d’un café du quartier de l’Odéon : Le Condé.

Extrait :

Elle marche vers moi de ce même pas nonchalant, et l’on dirait qu’elle ralentit son allure, comme si le temps ne comptait plus. Elle me prend le bras et nous nous promenons dans le quartier. C’est là que nous habiterons un jour. D’ailleurs nous y avons toujours habité. Nous suivons de petites rues, nous traversons un rond-point désert. Le village d’Auteuil se détache doucement de Paris. Ces immeubles de couleur ocre ou beige pourraient être sur la Côte d’Azur, et ces murs, on se demande s’ils cachent un jardin ou la lisière d’une forêt. Nous sommes arrivés sur la place de l’Eglise, devant la station de métro. Et là, je peux le dire maintenant que je n’ai plus rien à perdre : j’ai senti, pour la seule fois de ma vie, ce qu’était l’Eternel Retour. Jusque-là, je m’efforçais de lire des ouvrages sur le sujet, avec une bonne volonté d’autodidacte. C’était juste avant de descendre les escaliers de la station de métro Eglise-d’Auteuil. Pourquoi à cet endroit ? Je n’en sais rien et cela n’a aucune importance. Je suis resté un moment immobile et je lui ai serré le bras. Nous étions là, ensemble, à la même place, de toute éternité, et notre promenade à travers Auteuil, nous l’avions déjà faite au cours de mille et mille autres vies. Pas besoin de consulter ma montre. Je savais qu’il était midi.

Avis :

C’est la première fois que je me plonge dans un Modiano et cette lecture a été plutôt agréable. L’auteur nous entraîne dans le Paris où il a grandi : celui des années 50/60 et j’ai eu plaisir à suivre ses déambulations dans les rues de la capitale. D’ailleurs, je pense qu’il peut être très utile de connaître un minimum Paris pour apprécier ces flâneries.
Et puis Modiano installe une ambiance bien particulière : celle du Condé, ce bar où chacun peut s’inventer la vie qu’il souhaite. C’est le cas de cette Louki, jeune femme au passé difficile et énigmatique dont on découvre l’histoire au fil des pages. On retrouve aussi tout au long du roman des allusions à des poètes ou écrivains, notamment à Nietzsche et son concept de “L’éternel retour” (voir l’extrait ci-dessus).
Un livre rempli de nostalgie, qui ne me laissera pas un souvenir impérissable mais qui reste un bon moment de lecture.

Note :

Patrick Modiano (1945) – Français
160 pages – 2007 – ISBN : 978-2-07-036124-3