Balzac – Le père Goriot
Résumé :
Eugène de Rastignac, jeune provincial monté dans la capitale pour y faire des études de Droit, loge dans la modeste pension de Mme Vauquer. Il y rencontre le père Goriot, un vieil homme généreux pour qui il se prend d’amitié.
Séduit par les attraits de la bonne société parisienne dont il va apprendre les rouages par le biais de sa cousine Mme de Beauséant, Eugène va tout faire pour intégrer ce monde à première vue inaccessible.
Extrait :
Cette pièce est dans tout son lustre au moment où, vers sept heures du matin, le chat de Mme Vauquer précède sa maîtresse, saute sur les buffets, y flaire le lait que contiennent plusieurs jattes couvertes d’assiettes, et fait entendre son rourou matinal. Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis, elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet, ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d’église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s’est blottie la spéculation, et dont Mme Vauquer respire l’air chaudement fétide sans en être écœurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d’automne, ses yeux ridés, dont l’expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer renfrognement de l’escompteur , enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. Le bagne ne va pas sans l’argousin , vous n’imagineriez pas l’un sans l’autre. L’embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d’un hôpital. Son jupon de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s’échappe par les fentes de l’étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires. Quand elle est là, ce spectacle est complet.
Avis :
Balzac est l’un des rares classiques qui s’était glissé entre les mailles de mes filets ; cette lacune est aujourd’hui comblée et la lecture du Père Goriot a été pour moi une agréable surprise. Balzac a une manière inimitable d’écrire, et plus particulièrement de décrire. On éprouve une vive sympathie pour les personnages hauts en couleurs qu’il dépeint en quelques traits bien sentis. L’excès qui les caractérise pousse souvent à sourire, notamment dans les passages évoquant les vifs épanchements du père Goriot à propos de ses filles. Si la complexité psychologique n’est pas de mise dans ce récit, il n’en reste pas moins touchant et efficace, porteur d’une foi presque candide dans le roman dont le manque se fait sentir à notre époque.
Note :
Honoré de Balzac (1799-1850) – Français
367 pages – 1834 – ISBN : 2-07-040934-1
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