Résumé :

On raconte que les Chutes du Niagara exercent un attrait maléfique sur ceux qui s’en approchent. Quand l’époux d’Ariah Littrel se jette dans les Horseshoe Falls au lendemain de leur nuit de noces, la jeune femme se persuade qu’elle est damnée. Tandis qu’elle erre en haut des Chutes en attendant qu’on retrouve le corps de son mari, elle fait la connaissance de Dirk Burnaby. Cette rencontre va être bouleversante pour cet avocat brillant et va modifier de façon déterminante le cours de leur histoire, même si Ariah ne le sait pas encore.

Extrait :

Il est de fait – un fait rapporté avec empressement par la presse – que tous les matins, durant sa veille, Ariah Erskine, la Veuve blanche, apparut aux abords des gorges à 6 heures du matin. Souvent, elle se hâtait, craignant sans doute d’être en retard. A cette heure matinale, l’atmosphère était froide, nappée de brume. Au milieu des vrilles de brume montant du fleuve comme une vapeur, Ariah refaisait le trajet prétendument suivi par l’homme encore non identifié qui s’était jeté dans les Horseshoe Falls le matin du dimanche 12 juin ; vêtue d’un ciré et d’une capuche jaunes, fournis par le propriétaire des bateaux d’excursion Maid oh the Mist, elle traversait l’étroit pont piétonnier de Goat Island, en regardant avec intensité le cours rapide des eaux vertes, sa main gantée de blanc glissant sur le garde-fou. Ses lèvres remuaient. (Priait-elle ? S’adressait-elle à son mari perdu ?) Dans son ciré jaune vif et luisant elle ressemblait à une fleur folle sur le fond des brumes sulfureuses qui montaient continûment des gorges du Niagara. (“Montant sans trêve comme les âmes des damnés en quête de salut”, dit Ariah à Dirk Burnaby, dans l’un des rares moments où elle remarqua sa présence. Son sourire mélancolique et figé le fit frissonner.)

Avis :

Après Fille noire, fille blanche, le second roman que je lis de Joyce Carol Oates m’a paru tout aussi plaisant. Je commence à percevoir une façon de procéder propre à l’auteur et j’apprécie la manière dont elle s’insère dans la tête de ses personnages en prenant soin de décortiquer leurs pensées mais aussi de leur conserver une part d’ombre. Ici, j’ai trouvé que le roman mettait un peu de temps à démarrer mais le point de départ du récit est tellement extraordinaire que ça ne m’a pas franchement gênée. J’ai été assez fascinée par l’histoire de cette famille, la manière dont les différents personnages occupent tour à tour le devant de la scène pour nous faire saisir petit à petit comment se sont forgées leurs existences respectives. Ma seule déception, c’est que j’ai parfois regretté que certains passages ne soient pas plus poussés : la disparition mystérieuse de la Femme en noir, celle de Dirk Burnaby, auraient mérité à mon avis plus d’éclaircissements. J’attendais une révélation finale qui n’a pas eu lieu… tant pis pour moi. Cela ne m’a pas empêchée de savourer pleinement ce roman étonnamment dense où l’histoire ne cesse de prendre des tournants surprenants mais plutôt bien amenés, et qui tiennent le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page.

Amanda Meyre a plongé dans les chutes avec bonheur et exaltation, Caroline a beaucoup aimé l’écriture subtile de l’auteur et Sylvie a apprécié le ton ironique de ce roman de facture classique mais hypnotisant.

Note :

Joyce Carol Oates (1938) – Américaine
552 pages – 2005 – ISBN : 978-2-7578-0089-8