Résumé :

Lors d’un repas en famille et entre amis pour l’anniversaire de Théo, le fils cadet, son frère Niels lui offre un jeu de société : Personnages et caractères. C’est l’occasion pour chacun de se découvrir à travers le regard des autres dans le cadre d’une expérience qui risque de ne laisser personne en ressortir indemne. Le livre se divise en trois parties qui relatent de façons différentes un même épisode : “Choses pensées” nous donne accès aux pensées de chacun des personnages, “Choses dites” se concentre sur les paroles de chacun et “Choses rapportées” où la scène est perçue par le biais d’un narrateur omniscient.

Extrait :

MOUSSIA

Nous sommes tellement remplis de mots qu’il nous faut absolument parler : comme s’ils étaient des oiseaux à libérer, comme s’il fallait faire le vide avant de laisser venir en nous d’autres mots. Nous parlons, nous parlons : les uns aux autres, les uns contre les autres, les uns des autres. Les mots s’agitent inutilement entre nous. Ceux que nous osons dire. Ceux que nous gardons pour nous. Ils sont tous là. Nous les avons sur le bout de la langue, au bord des lèvres, derrière la paroi du front, dans la tête. Souvent nous les avons déjà dits et nous les répétons. Ils ne s’usent pas, ils gardent leur pouvoir de transformer, de blesser, ou d’illuminer.

Oui ! Nous sommes avec les mots comme des poissons dans l’eau. Nous vivons dans la mer des mots comme dans la mer des autres. Et peu à peu nous viennent des écailles protectrices, des nageoires pour fuir, des dents pour mordre.

Avis :

Cette lecture a été pour moi une agréable découverte. J’ai eu peur d’un risque de redondance au début des 2ème et 3ème parties mais finalement, c’est suffisamment bien ficelé pour qu’on découvre de nouveaux éléments à chaque fois (même si, bien sûr, il y a forcément des redites). Le procédé n’est pas novateur mais fonctionne plutôt bien et j’ai aimé découvrir les facettes multiples de ces personnages ainsi que le style de l’auteur qui est plutôt percutant : les réflexions disséminées tout au long du livre me parlent et même si le thème central – “la façon dont nous perçoivent les autres” – est parfois martelé de façon un peu trop appuyée, je l’ai trouvé bien traité. Le récit oscille entre roman et théâtre (notamment au début), ce qui fait que l’on a des personnages une vision à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. C’est intelligent, c’est bien fait, j’aurais peut-être un léger regret quant à la solidité de l’ensemble : au-delà de la virtuosité de l’exercice, certains personnages pâtissent d’un traitement trop superficiel. La forme prime sur le fond et on a un peu l’impression d’avoir affaire à des personnages-marionnettes (je pense par exemple au revirement de comportement de Niels qui aurait mérité à mes yeux un éclairage plus approfondi), mais je garde un avis tout à fait favorable sur ce roman.

Papillon a été très déçue par ce roman dont l’écriture ciselée lui a paru manquer d’émotion. Leslivresdegeorgesandetmoi est mitigée : elle a apprécié le début mais trouvé ça un peu longuet à la fin. Soma a apprécié cette façon d’aborder un sujet profond via un jeu de société et c’est un véritable coup de cœur pour Clochette.

Note :

Alice Ferney (1967) – Française
531 pages – 2006 – ISBN : 2-286-02444-8