Résumé :

Bertil Scali a eu une vie assez palpitante : tour à tour policier, reporter puis nègre, il décide de fonder sa propre maison d’édition. Sa vie se passe bien : une femme, deux enfants et un duplex à Barbès… mais le 16 septembre, sa femme lui annonce qu’elle va le quitter et il doit déposer le bilan de sa maison d’édition, emportée par la crise boursière.

Extrait :

Je ne sais pas si je retrouverai Jeanne. Mais j’ai retrouvé ma mère, mon frère, mes enfants, le goût du ski et des week-ends entre amis, le plaisir de marcher sur une plage, de ramasser des cailloux et des coquillages, de regarder un petit crabe dans la main de ma fille, de parler une nuit entière en buvant du vin avec un ami. Je recommence à m’amuser. J’ai connu mon beau-frère, les collègues de ma mère, ses amis, j’ai revu Sandy, me suis initié au yoga, ai compris que la respiration comptait. J’ai envie de partir, de déménager, de vivre. J’ai envie de voir du désir dans les yeux d’une femme, de toucher un corps offert, de cuisiner, écrire, peindre, dessiner, sentir, courir.
Je veux rencontrer des gens et ne pas en voir certains.
Je vais à nouveau travailler, imaginer, dormir et danser. Je suis plus riche qu’avant car plus jamais je n’aurai peur. Jeanne avait raison. Il faut aimer la liberté et l’indépendance. Je cherchais à rattraper Jeanne. Je me suis retrouvé.

Avis :

Depuis un moment j’avais le titre de ce livre noté dans mon téléphone portable (oui, c’est l’un des tristes effets des technologies : le calepin se transforme en téléphone…). Si je l’avais noté c’est que quelqu’un avait dû m’en faire une présentation élogieuse. Depuis le temps j’ai oublié qui était ce quelqu’un mais s’il s’agit de toi petit lecteur alors je te remercie vivement car ce livre a été une très belle découverte.

A travers cette autofiction, Bertil Scali nous livre donc le récit du passage à vide qu’il a traversé lorsque sa maison d’édition a dû mettre la clef sous la porte et que sa femme l’a quitté. Au début j’ai été un peu gêné par ce récit très intime, il faut réussir à saisir le personnage mais rapidement on est frappé par la dureté avec laquelle Scali se juge. Plus que personne il se fait des reproches, il se remet en question, on trouve là un personnage incroyablement humain et touchant. Cette histoire, cette dégringolade présentée en parallèle de la crise économique, elle aurait pu arriver à tout le monde, de même que cette prise en otage par le travail qui peu à peu l’a éloigné de sa famille. L’histoire m’a un peu fait penser à “Happe” de Bashung : “peu à peu tout me happe, je me dérobe, je me détache sans laisser d’auréole, les cymbales les symboles, collent, on se rappelle, on se racole, peu à peu tout me happe”… Un très beau livre, très intime mais très agréable à lire que je conseille à tous.

Je vous recommande la lecture du billet de “La Lettrine” qui saura mieux que moi vous présenter le contexte de ce livre en déchiffrant les événements littéraires auxquels celui-ci fait écho. Aurel aussi a beaucoup aimé. Et puis si vous souhaitez écouter “Happe” de Bashung, vous pouvez le faire ici.

Note :

Bertil Scali (1969) – Français
294 pages – 2009 – ISBN : 978-2-35266-063-7