Résumé :

Cinq nouvelles qui se construisent autour du thème de l’imagination. Dans La rêveuse d’Ostende, le narrateur fait la connaissance d’une vieille dame lui confiant le récit d’une histoire d’amour de jeunesse extraordinaire. Dans Crime parfait, Gaby revient sur les raisons qui l’ont poussée à supprimer son mari qu’elle aimait tendrement. Dans La guérison, Stéphanie, une infirmière complexée, retrouve le goût de vivre au contact d’un patient séduisant. Dans Les mauvaises lectures, Maurice découvre les dangereux attraits de la littérature. Dans La femme au bouquet, le narrateur s’intéresse à l’énigme de cette femme qui attend on ne sait qui sur le quai d’une gare tous les jours depuis près de quinze ans.

Extrait :

Comme elle ne m’avait pas entendu descendre et que la lumière du jour entrait avec effronterie dans la pièce, je distinguai mieux les traits, le comportement de ma logeuse.
Alors qu’elle ne faisait rien, elle ne paraissait pas inoccupée. Des sentiments variés traversaient ses prunelles, des idées tendaient puis détendaient son front, ses lèvres retenaient mille discours qui voulaient s’échapper. Débordée par une riche vie intérieure, Emma van A. se partageait entre les pages d’un roman ouvert sur ses genoux et les afflux de songe qui l’envahissaient dès qu’elle relevait la tête vers la baie. J’avais l’impression qu’il y avait deux navires qui cheminaient, séparés, le navire de ses pensées et le navire du livre ; de temps en temps, lorsqu’elle baissait les paupières, leurs sillages se mêlaient un moment, mariant leurs vagues, puis son navire à elle continuait sa route. Elle lisait dans le but de ne pas dériver seule, elle lisait non pour remplir un vide spirituel mais pour accompagner une créativité trop puissante. De la littérature comme une saignée afin d’éviter la fièvre…
Emma van A. avait dû être très belle, même âgée. Cependant,  une maladie récente – une hémorragie cérébrale selon Gerda – l’avait reléguée de l’antiquité à la brocante. Désormais ses muscles avaient fondu, son corps n’était plus mince mais maigre. Elle semblait si légère qu’on imaginait ses os poreux, prêts à se rompre. Des articulations rongées par l’arthrose rendaient ses gestes difficiles, néanmoins elle n’y prêtait aucune attention tant un feu l’habitait. Ses yeux demeuraient remarquables, grands, d’un bleu éclairci, un bleu où passaient les nuages du Nord.

Avis :

Comme j’ai décidé de profiter de l’été pour désencombrer ma PAL, je me suis décidée à lire ce livre même si je ne porte pas vraiment M. Schmitt dans mon cœur (depuis que j’ai essayé de lire La part de l’autre dont j’avais détesté le style plat et le manichéisme primaire). Avec ces nouvelles totalement fictives, j’ai un peu plus apprécié. On ne peut nier que l’auteur ne manque pas d’imagination et que ses histoires, à défaut d’être inoubliables, sont divertissantes. En outre, le recueil se lit vite et facilement, ce qui permet d’éviter de se lasser. Mais j’ai vraiment un problème avec le style qui reste tellement banal et convenu que j’ai l’impression que les lecteurs sont pris pour des imbéciles. C’est assez décevant de voir une telle virtuosité d’invention se noyer sous des clichés d’une banalité navrante. Les nombreuses évocations de la littérature que fait l’auteur me font tiquer car il me semble que je n’en partage définitivement pas la même conception. Ça reste donc un livre pour passer le temps mais que j’oublierai vite pour me consacrer à de meilleurs crus.

Alex qualifie ce livre de “lecture poétique évasion”, Aproposdelivres y voit beaucoup de poésie, de douceur et de réalisme. Selon La bouquineuse, ces nouvelles bien que tristes délivrent un message d’espoir et Tulisquoi les a trouvées agréables à lire.

Note :

Eric-Emmanuel Schmitt (1960) – Français
311 pages – 2007 – ISBN : 978-2-286-03985-1