Extrait :

Et ta blessure, où est-elle ?
Je me demande où réside, où se cache la blessure secrète où tout homme court se réfugier si l’on attente à son orgueil, quand on le blesse ? Cette blessure – qui devient ainsi le for intérieur –, c’est elle qui va gonfler, emplir. Tout homme sait la rejoindre, au point de devenir cette blessure elle-même, une sorte de cœur secret et douloureux.
Si nous regardons, d’un œil vite et avide, l’homme ou la femme qui passent – le chien aussi, l’oiseau, une casserole – cette vitesse même de notre regard nous révélera, d’une façon nette, quelle est cette blessure où ils vont se replier lorsqu’il y a danger. Que dis-je ? Ils y sont déjà, gagnant par elle – dont ils ont pris la forme – et pour elle, la solitude : Les voici tout entier dans l’avachissement des épaules dont ils font qu’il est eux-mêmes, toute leur vie afflue dans un pli méchant de la bouche et contre lequel ils ne peuvent rien et ne veulent rien pouvoir puisque c’est par lui qu’ils connaissent cette solitude absolue, incommunicable – ce château de l’âme – afin d’être cette solitude elle-même. Pour le funambule dont je parle, elle est visible dans son regard triste qui doit renvoyer aux images d’une enfance misérable, inoubliable, où il se savait abandonné.
C’est dans cette blessure – inguérissable puisqu’elle est lui-même – et dans cette solitude qu’il doit se précipiter, c’est là qu’il pourra découvrir la force, l’audace et l’adresse nécessaires à son art.

Avis :

Cette édition est un recueil de poèmes de Jean Genet avec au premier plan, “Le condamné à mort”, poème dédié à son ami Maurice Pilorge, condamné à mort pour avoir assassiné son compagnon. S’en suivent divers poèmes puis “Le funambule” qu’il a écrit suite au décès d’Abdallah, son compagnon.
Comme dans tout recueil, il y a du bon et du moins bon. J’ai notamment beaucoup aimé ce dernier poème “Le funambule”. J’avoue cependant avoir été un peu “choqué” par certains propos, ainsi lorsqu’il parle de son ami Maurice Pilorge le ton employé semble faire de l’assassinat dont ce dernier fut l’auteur, un acte sans gravité. Une petite recherche sur Wikipedia m’a d’ailleurs appris que Genet avait parfois eu des propos peu honorables. Mais bon, ceci n’en fait pas pour autant un receuil inintéressant à lire car il n’est pas marqué par cette pensée et il contient certains passages d’une grande beauté.

Note :

Jean Genet (1910-1986) – Français
130 pages – 1999 – ISBN : 978-2-07-040787-3