Résumé :

La narratrice a quitté un homme après une relation de six ans mais continue à le fréquenter de façon occasionnelle. Quelques mois après leur rupture, il lui annonce qu’il va vivre avec une autre femme. Elle sombre alors dans une jalousie obsessionnelle, qu’elle essaie de retranscrire dans ce livre.

Extrait :

L’exposition que je fais ici, en écrivant, de mon obsession et de ma souffrance n’a rien à voir avec celle que je redoutais si je m’étais rendue avenue Rapp. Ecrire, c’est d’abord ne pas être vu. Autant il me paraissait inconcevable, atroce, d’offrir mon visage, mon corps, ma voix, tout ce qui fait la singularité de ma personne, au regard de quiconque dans l’état de dévoration et d’abandon qui était le mien, autant je n’éprouve aujourd’hui aucune gêne – pas davantage de défi – à exposer et explorer mon obsession. A vrai dire, je n’éprouve absolument rien. Je m’efforce seulement de décrire l’imaginaire et les comportements de cette jalousie dont j’ai été le siège, de transformer l’individuel et l’intime en une substance sensible et intelligible que des inconnus, immatériels au moment où j’écris, s’approprieront peut-être. Ce n’est plus mon désir, ma jalousie, qui sont dans ces pages, c’est du désir, de la jalousie et je travaille dans l’invisible.

Avis :

Annie Ernaux essaie de décortiquer le plus “objectivement” possible (si tant est qu’on puisse parler d’objectivité quand il s’agit de décrire ses sentiments, disons plutôt avec beaucoup de lucidité) la jalousie qu’elle éprouve. Ce sentiment irrationnel n’est à aucun moment jugé ou condamné, elle utilise son expérience en se faisant le témoin des passions qui s’affrontent en elle. A certains moments, le caractère obsessionnel de ses pensées ou de ses agissements semble frôler la folie tandis qu’en même temps, on ne peut s’empêcher de se dire qu’il serait difficile de réagir avec sang froid dans une telle situation. En outre, on peut lire dans ce bouquin de très belles et très justes réflexions sur la passion et les façons dont elle peut s’exprimer. J’ai beaucoup aimé.

Note :

Annie Ernaux (1940) – Française
76 pages – 2001 – ISBN : 2-07-030169-9