Annie Ernaux – L’autre fille
Résumé :
Dans une lettre fictive adressée à sa sœur (morte avant sa naissance et dont elle a un jour appris l’existence par hasard en entendant sa mère en parler), Annie Ernaux s’interroge sur les liens qui l’unissent encore à ses morts et sur les origines de son écriture.
Extrait :
Avant de commencer cette lettre, j’étais dans une forme de tranquillité à l’égard de toi, qui est désormais pulvérisée. De plus en plus, en écrivant, il me semble avancer dans une contrée tourbeuse où il n’y a personne, comme dans les rêves, devoir franchir, entre chaque mot, un espace rempli d’une matière indécise. J’ai l’impression de ne pas avoir de langue pour toi, pour te dire, de ne savoir parler de toi que sur le mode de la négation, du non-être continuel. Tu es hors du langage des sentiments et des émotions. Tu es l’anti-langage.
Je ne peux pas faire un récit de toi. Je n’ai pas d’autre souvenir de toi que celui d’une scène imaginée l’été de mes dix ans, une scène dans laquelle se confondent la morte et la sauvée. Je n’ai rien pour te faire exister, en dehors de l’image figée des photos, sans mouvement et sans voix puisque les techniques pour les conserver n’étaient pas vulgarisées. De même qu’il y a eu les morts sans photographie, tu fais partie des morts sans enregistrement audio et vidéo.
Tu n’as d’existence qu’au travers de ton empreinte sur la mienne. T’écrire, ce n’est rien d’autre que faire le tour de ton absence. Décrire l’héritage d’absence. Tu es une forme vide impossible à remplir d’écriture.
Avis :
En tant que fan inconditionnelle de toute l’œuvre d’Annie Ernaux, j’ai été ravie de découvrir ce nouveau livre. Beaucoup plus intimiste que Les Années, L’autre fille s’inscrit néanmoins toujours dans la quête littéraire que l’auteure poursuit sans relâche. J’ai encore une fois été séduite par la justesse de cette écriture qui m’a profondément émue. J’aurais aimé pouvoir incorporer l’étude de ce texte à mon mémoire ; je suis fascinée de voir combien chaque nouveau livre d’un auteur qu’on aime et qu’on suit avec attention nous apporte un nouvel éclairage sur lui. Il y a dans l’approche qu’Annie Ernaux fait de son existence une véritable mystique littéraire qui me touche profondément, de même qu’à la lecture on ressent une sorte de nostalgie qui n’en est pourtant pas vraiment mais qui nous fait pleinement ressentir tout le pouvoir de l’écriture. Ce que j’écris n’est sans doute pas très clair mais ce qui fait la magie de l’écriture d’Annie Ernaux, c’est justement qu’elle arrive à mettre en mots l’indicible. Elle me touche comme rarement je l’ai été en lisant un livre. Alors je ne peux que vous conseiller ce très beau texte.
Note :
Annie Ernaux (1940) – Française
77 pages – 2011 – ISBN : 978-2-8411-1539-6
avril 5th, 2011 à 17:14
Pareil je l’ai trouvé plus intimiste que les années. En peu de mots, elle nous touche, nous ébranle, nous émeut…
avril 7th, 2011 à 9:53
Oui, j’ai hésité à l’acheter (pas les finances en ce moment). Mais je suis sûre qu’elle te pardonnera de ne pas avoir pu en traiter dans ton mémoire.
avril 10th, 2011 à 13:20
Maïssoun : quand les finances reviendront, il ne faudra pas hésiter car il en vaut la peine !
avril 28th, 2011 à 17:44
C’est un court mais très beau texte ! Et qui suit Annie Ernaux depuis longtemps (c’est mon cas) ne peut qu’être touché par cette lettre qui dévoile bien des aspects de la vie de l’auteure mais aussi de la femme…
avril 28th, 2011 à 23:00
Margotte : nous l’avons ressenti de la même façon.
mars 9th, 2012 à 15:53
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