Eric-Emmanuel Schmitt – La rêveuse d’Ostende
Résumé :
Cinq nouvelles qui se construisent autour du thème de l’imagination. Dans La rêveuse d’Ostende, le narrateur fait la connaissance d’une vieille dame lui confiant le récit d’une histoire d’amour de jeunesse extraordinaire. Dans Crime parfait, Gaby revient sur les raisons qui l’ont poussée à supprimer son mari qu’elle aimait tendrement. Dans La guérison, Stéphanie, une infirmière complexée, retrouve le goût de vivre au contact d’un patient séduisant. Dans Les mauvaises lectures, Maurice découvre les dangereux attraits de la littérature. Dans La femme au bouquet, le narrateur s’intéresse à l’énigme de cette femme qui attend on ne sait qui sur le quai d’une gare tous les jours depuis près de quinze ans.
Extrait :
Comme elle ne m’avait pas entendu descendre et que la lumière du jour entrait avec effronterie dans la pièce, je distinguai mieux les traits, le comportement de ma logeuse.
Alors qu’elle ne faisait rien, elle ne paraissait pas inoccupée. Des sentiments variés traversaient ses prunelles, des idées tendaient puis détendaient son front, ses lèvres retenaient mille discours qui voulaient s’échapper. Débordée par une riche vie intérieure, Emma van A. se partageait entre les pages d’un roman ouvert sur ses genoux et les afflux de songe qui l’envahissaient dès qu’elle relevait la tête vers la baie. J’avais l’impression qu’il y avait deux navires qui cheminaient, séparés, le navire de ses pensées et le navire du livre ; de temps en temps, lorsqu’elle baissait les paupières, leurs sillages se mêlaient un moment, mariant leurs vagues, puis son navire à elle continuait sa route. Elle lisait dans le but de ne pas dériver seule, elle lisait non pour remplir un vide spirituel mais pour accompagner une créativité trop puissante. De la littérature comme une saignée afin d’éviter la fièvre…
Emma van A. avait dû être très belle, même âgée. Cependant, une maladie récente – une hémorragie cérébrale selon Gerda – l’avait reléguée de l’antiquité à la brocante. Désormais ses muscles avaient fondu, son corps n’était plus mince mais maigre. Elle semblait si légère qu’on imaginait ses os poreux, prêts à se rompre. Des articulations rongées par l’arthrose rendaient ses gestes difficiles, néanmoins elle n’y prêtait aucune attention tant un feu l’habitait. Ses yeux demeuraient remarquables, grands, d’un bleu éclairci, un bleu où passaient les nuages du Nord.
Avis :
Comme j’ai décidé de profiter de l’été pour désencombrer ma PAL, je me suis décidée à lire ce livre même si je ne porte pas vraiment M. Schmitt dans mon cœur (depuis que j’ai essayé de lire La part de l’autre dont j’avais détesté le style plat et le manichéisme primaire). Avec ces nouvelles totalement fictives, j’ai un peu plus apprécié. On ne peut nier que l’auteur ne manque pas d’imagination et que ses histoires, à défaut d’être inoubliables, sont divertissantes. En outre, le recueil se lit vite et facilement, ce qui permet d’éviter de se lasser. Mais j’ai vraiment un problème avec le style qui reste tellement banal et convenu que j’ai l’impression que les lecteurs sont pris pour des imbéciles. C’est assez décevant de voir une telle virtuosité d’invention se noyer sous des clichés d’une banalité navrante. Les nombreuses évocations de la littérature que fait l’auteur me font tiquer car il me semble que je n’en partage définitivement pas la même conception. Ça reste donc un livre pour passer le temps mais que j’oublierai vite pour me consacrer à de meilleurs crus.
Alex qualifie ce livre de “lecture poétique évasion”, Aproposdelivres y voit beaucoup de poésie, de douceur et de réalisme. Selon La bouquineuse, ces nouvelles bien que tristes délivrent un message d’espoir et Tulisquoi les a trouvées agréables à lire.
Note :
Eric-Emmanuel Schmitt (1960) – Français
311 pages – 2007 – ISBN : 978-2-286-03985-1
juillet 19th, 2010 à 9:44
J’aime vraiment cet auteur (qui sera mis demain à l’honneur chez Pimprenelle et sur pas mal de blogs). Pas encore lu celui-ci mais il me fait très envie malgré ton avis
juillet 19th, 2010 à 11:16
Stéphie : je sais que c’est un auteur très populaire et tant mieux si les avis sur lui sont variés. En tout cas, n’hésite pas à revenir donner ton avis par ici quand tu auras lu ce livre
juillet 19th, 2010 à 17:40
Ah ben ça alors!! Je n’ai lu qu’un seul livre de cet auteur (qui n’est pas celui-ci) et j’ai eu exactement le même ressenti que toi, le même problème aussi. Tout le long j’ai été mal à l’aise, j’avais l’impression de regarder une série TV avec des rires enregistrés mais version livre et… plus pousée: là il faut faire: “ooooh”, ici, verser une petite larme, là c’est fait pour être drôle… J’ai eu la sensation désagréable que tout était calculé mais au-delà de l’habileté littéraire de certains à mener leur barque, plutôt comme une sorte de voyeurisme que je ne saurais comment expliquer.
Bref, même si l’auteur sait indéniablement raconter des histoires, je ne pense pas renouveler l’aventure, du fait de ce malaise.
juillet 19th, 2010 à 18:40
Tu es dure, dis-moi
Un souvenir loin d’être inoubliable, on est d’accord, je l’avais d’ailleurs classé dans un “Pourquoi pas”, même si j’avais trouvé ça assez agréable.
Par contre, j’avais préféré justement “La part de l’autre”.
Maintenant j’ai encore un livre de cet auteur sur ma liste à lire, mais franchement, je ne vais pas me précipiter pour le lire !
juillet 19th, 2010 à 20:41
Maysoon : Je vois que nous sommes du même avis^^. C’était quel livre de Schmitt ?
Tulisquoi : je ne pense pas être particulièrement dure. Lire est une passion pour moi, je suis donc forcément intransigeante quand un livre ne me semble pas être à la hauteur. Et cet auteur, vraiment, ça ne passe pas. Je pense donc que je ne vais pas m’obstiner.
juillet 20th, 2010 à 20:03
le “dure” se référait plus au “Ça continue à me faire mal aux yeux à chaque fois” que tu as laissé en commentaire sur mon blog
Mais après je suis d’accord avec toi sur le reste. Je ne pense pas non plus m’obstiner. J’ai bien assez d’autres lectures en attente !
juillet 20th, 2010 à 22:37
Tulisquoi : oui je n’y ai pas été de main morte sur ton blog, mais c’est vraiment ce que je ressens. En tout cas, on est d’accord : il y a mieux à lire
juillet 28th, 2010 à 15:45
Zut ! J’avais lu tellement d’avis élogieux ! J’étais persuadée qu’il me fallait découvrir cet auteur d’urgence. Après avoir lu ton billet, je me dis que finalement rien ne presse !
juillet 28th, 2010 à 17:39
Marie : c’est aussi ce que je me disais avant d’essayer… En tout cas, tu n’as qu’à l’emprunter en bibliothèque pour tester, comme ça, pas de regret si tu es déçue.