Résumé :

Daniel Pennac est l’un des écrivains français contemporains les plus connus mais ce que l’on sait moins c’est qu’il a été cancre pendant une longue partie de sa scolarité. Pourtant le cancre est devenu professeur puis l’écrivain que l’on connaît grâce à l’aide de certains de ses instituteurs. Ce retour sur son enfance est pour lui l’occasion de donner son point de vue sur l’école d’hier et celle d’aujourd’hui, de faire un point sur les préjugés véhiculés par les médias et de nous rendre les cancres plus sympathiques.

Extrait :

- Apprendre par cœur ? On n’est plus des bébés !
- Je ne suis pas un perroquet !
Ils jouaient leur va-tout, c’était de bonne guerre. Et puis, ils disaient ce genre de choses, parce qu’ils les entendaient dire. Leurs parents eux-mêmes, parfois, des parents ô combien évoluée : “Comment, monsieur Pennacchioni, vous leur faites apprendre des textes par coeur ? Mais mon fils n’est plus un enfant !” Votre fils, chère madame, n’en finira jamais d’être un enfant de la langue, et vous-même un tout petit bébé, et moi un marmot ridicule, et tous autant que nous sommes menu fretin charrié par le grand fleuve jailli de la source orale des Lettres, et votre fils aimera savoir en quelle langue il nage, ce qui le porte, le désaltère et le nourrit, et se faire lui-même porteur de cette beauté, et avec quelle fierté !, il va adorer ça, faites-lui confiance,le goût de ces mots dans sa bouche, les fusées éclairantes de ces pensées dans sa tête, et découvrir les capacités prodigieuses de sa mémoire, son infinie souplesse, cette caisse de résonance, ce volume inouï où faire chanter les plus belles phrases, sonner les idées les plus claires, il va en raffoler de cette natation sublinguistique lorsqu’il aura découvert la grotte insatiable de sa mémoire, il adorera plonger dans la langue, y pêcher les textes en profondeur, et tout au long de sa vie les savoir là, constitutifs de son être, pouvoir se les réciter à l’improviste, se les dire à lui-même pour la saveur des mots. Porteur d’une tradition écrite grâce à lui redevenue orale il ira peut-être même jusqu’à les dire à quelqu’un d’autre, pour le partage, pour les jeux de la séduction, ou pour faire le cuistre, c’est un risque à courir. Ce faisant il renouera avec ces temps d’avant l’écriture où la survie de la pensée dépendait de notre seule voix. Si vous me parlez régression, je vous répondrai retrouvailles ! Le savoir est d’abord charnel. Ce sont nos oreilles et nos yeux qui le captent, notre bouche qui le transmet. Certes, il nous vient des livres, mais les livres sortent de nous. Ça fait du bruit, une pensée, et le goût de lire est un héritage du besoin de dire.

Avis :

Voilà, ça y est enfin, les fêtes sont passées et j’ai de nouveau pu trouver le temps de lire ! Ouf, c’est parti pour les lectures de 2010 et je commence par de la grande qualité avec Daniel Pennac, qui veille sur ce blog depuis ses tout premiers jours.
“Chagrin d’école” donc, un livre bien différent de la saga Malaussène mais qui ressemble un peu à “Comme un roman”. Pennac laisse le roman de côté pour faire ce qui ressemble plutôt à un essai qui nous concerne tous car nous avons tous été élève. Nous avons tous connu des cancres, certains l’ont été et il est vrai que de nombreux préjugés accablent le cancre. Comme il le dit si bien, “Le cancre oscille perpétuellement entre l’excuse d’être et le désir d’exister malgré tout, de trouver sa place, voire de l’imposer”. Rien dans nos sociétés ne nous aide à aimer le cancre, les télévisions nous présentent régulièrement des drames dans des collèges ou lycées de banlieues qui mettent tous leurs élèves dans  le même panier. Pennac va ici contre cette vision pessimiste et nous dresse une peinture très positive de l’éducation nationale et… bon sang que ça fait du bien ! Merci Daniel ! En fermant ce livre on a envie de remercier les quelques professeurs qui nous ont marqués et qui nous ont donné l’envie d’apprendre. On a aussi envie de laisser Jean-Pierre Pernaud au placard !
Je suppose que beaucoup d’entre vous l’ont déjà lu mais si ce n’est pas encore le cas, faites-le vite !

Note :

Prix Renaudot 2007

Daniel Pennac (1944) – Français
305 pages – 2007 – ISBN : 978-2-07-076917-9